mardi 27 août 2013

fiel & littoral

Je collectionne les victoires en attendant le reste. De toutes petites victoires, des sourires, des caresses au bas des reins, que je te brandis au visage en te tournant le dos. Je rejoins la faille en vomissant mon fiel aux toilettes, débarbouillée aux fonds de pichet, je t’en veux jusqu’au bouillonnement qui gronde, jusqu’à la déréliction, jusqu’au sanctuaire où j’expose mes souvenirs forgés dans le fer blanc. J’ai perdu le nord pour garder la face, mais j’ai fini par l’égarer elle aussi. J’ai retrouvé ma langue, je l’enfouis dans une autre bouche, plus belle que la tienne et juste devant chez toi, sous ta fenêtre restée ouverte. Je te déboîte au complet et je jette les morceaux là où on les avait cueillis. Je te détruis un peu plus chaque fois que les jours renaissent, ton image qui reste en moi se laboure de meurtrissures, ton silence dans une serviette et ces crachats ravalés sous la couette ; mais malgré tout, tu restes indemne, et c’est moi qui me détruis.

Ton visage est toujours une porte fermée, verrouillée à clé, celle que tu as avalée avec ta langue. J’ai perdu mon chemin jusqu’à chez moi, je ne connais que ton paillasson qui m’est désormais interdit. J’ai perdu mon chemin pour toutes les autres soirées où tu éviteras mes simagrées à l’extrémité, qui échoueront jusqu’à chez toi où j’aurai tous les mots à dire sauf les bons. J’ai perdu la face, le sud aussi, et les draps de l’été en désordre les ont engloutis. J’ai laissé la poussière s’affaler contre moi en construisant des châteaux que je ne connais plus à force de creuser. Je me suis laissée envelopper de sables mouvants en parcourant les étapes d’un voyage depuis longtemps terminé, une nuit par-dessus l’autre, l’enfer propulsé au gré du vent et expulsé par nos bassins.

Ta maison, je dois l’éviter toutes les nuits, j’y reviens toujours. Le vert, le rouge, le brun. Il y a bien quelque chose à saisir de tout cela, mais rien à faire. Il y a bien quelque chose à chercher, à trouver, mais je n’ai pas de boussole, tu l’as cassée. Il me reste seulement l’aiguille contre laquelle je me pique les doigts chaque fois que je la prends. L’aiguille qui pointe ta fenêtre, refermée.

Il y a le froid du nord, la brise de la rivière un peu plus loin, l’ambition démesurée. Il y a l’absence de pas, la solitude, l’enfer au bout du ciel. La lune descend. L’aube coule ses couleurs dans la nuit. J’ai envie de tuer tous ces bruits, tuer tous ces gens qui m’ont dit de lâcher prise, de m’écouter, d’écouter mon corps. Si j’écoutais mon corps, j’arracherais toutes les langues et j’escaladerais le mur à ta rencontre. Le corps brut du désoeuvrement. Les draps comme les vagues d’une tempête. Chair blanche sur nuit noire. Poils noirs sur jambes blanches. Elles croisent les miennes, des nœuds de membres qui se cherchent. Le souffle, l’odeur de renfermé. Ça sent la moisissure chez toi, et le sexe aussi, l’odeur du désir, du sperme qui jaillit sur les peaux en trois ou quatre coulées blanches.

Ici, ça sent l’iode et l’alcool. L’herbe et la grève. Je n’ai plus de doigts dans les miens, je roule mon crayon jusqu’à la brisure. Le ressac des vagues, le vent dans les cheveux, les souvenirs s’immergent dans la mer grise au bout du quai. J’ai froid. J’ai froid de toi, de ton visage déchiré comme une photo. Ici, ça sent l’iode et le sel, et je m’ennuie de l’odeur de moisissure sur les murs. De celle des joints éteints sur les lèvres. De celle de la sueur sur la peau humide de trop de plaisir de trop de désir de trop d’empressement d’enfermement dans une histoire en boîte, sans but ni fin.

Je regrette mon inconstance. Je voudrais effacer le temps avec une gomme bleu novembre. Je voudrais effacer l’herbe et le passage des saisons, le lit en pagaille, la barbe sur les joues. Je voudrais chanter la guerre, la guerre ouverte que l’on s’est déclarée dans une soirée où l’on ne s’est pas parlé.

Je voudrais te détester pour t’aimer dans le désordre.

J’ai cassé le squelette de nos souvenirs ratés, ils se sont cachés sous le paillasson, là où gisait autrefois la clé que tu as avalée. Le papier et le vent seuls s’en souviennent, et ils les conservent bien au chaud pour les jours où j’ai oublié de prendre une veste.

Je me tricote des jours heureux avec un visage de porcelaine. Je recouds ma virginité comme une punition. Parce que j’ai peur. Parce que je t’aime.

Je mijote mes sentiments sous vide avec l’ennui et les fleurs calcinées. Je résous les énigmes dans ma tête, mais je n’ai jamais eu d’instinct logique et mes solutions sont les mauvaises. Je n’écoute que les vagues, tes vagues, les vagues que tu fais naître sur mon corps en extase. Le sel, l’iode, le sable, tout coule en sueur sur les peaux chaudes. Une scène de genre où deux corps nus se dévorent dans l’ivresse.

La mer a effacé la peinture et la laque.

Au fond, il n’y a qu’une histoire de peau qui expulse l’alcool et la laideur des fins de soirées. C’est dégoûtant, tes ongles font mal et je t’aime encore plus dans la rage, dans l’ivresse. J’ai mal aux jambes, j’ai mal au cœur, j’ai mal à l’avenir où tu es encore de trop, encore absent. J’ai mal aux yeux à force de les détourner. J’ai l’enfer dans le bas du ventre, l’absence de ton sexe en moi me donne la nausée et je joue mon malheur sur un piano droit. Je me rentre des aiguilles sur le bout de mes doigts. J’aime mieux avoir mal parce que comme ça, tu ne disparais pas.

Ton odeur est celle du vent. Ta voix est celle des marées.

J’ai peur du temps, j’ai peur des autres peur de toi. J’ai peur de mon corps, de mes kilos d’oubli, de ma rétention d’alcool sur les hanches. J’ai peur de relire, mais c’est ce que je fais toujours parce que je relis les mots gorgés d’iode et de brouillard qui me parlent de toi.

J’ai peur de la solitude alors je te blesse je te fais honte je t’humilie pour que tu ne m’oublies jamais. Jusqu’à ce je devienne ton enfer. L’enfer, c’est chaud, brûlant, c’est ta présence dans mes draps, c’est ta chaleur entre mes cuisses, et voilà que de cet enfer recréé jaillissent la mer, les vagues, le sel, le vent marin, une autre vie.

Je collectionne les victoires en attendant le reste. Le cœur sur la corde à linge, mon fiel expulsé aux toilettes.

dimanche 11 août 2013

ressentir ma vie s'écrouler, en regardant les pierres s'effondrer une à une.

pis rien pouvoir faire.