mercredi 18 juillet 2012

Lettre à un fantôme

Aujourd'hui, je regarde les quelques photos éparses de ta nouvelle vie, et je me dis que j'aime l'été ; que j'aime l'été pas mal plus que je peux t'aimer maintenant, avec cet arrière-goût de haine et cette amertume que je ravale lentement. 

J'aime l'été, parce qu'il est différent de tous ceux d'avant, avec des pichets de bière partagés à chaque semaine jusqu'à pas d'heure, des nuits blanches par terre sur un matelas avec un gars que j'connais presque pas, des idées lancées en l'air qui prennent peu à peu forme et ce sentiment de légèreté, de supériorité, d'avoir passé par-dessus tes mots, tes tourments, ton silence. 

Je regarde ta vie rangée de guide-touristique, tes nouveaux amis ringards, ton grand sourire fendant, et je préfère de loin cette douce ivresse partagée en Basse-ville, cette désinvolture charmante, cette liberté sans cesse renouvelée par la certitude de, bientôt, ne plus du tout t'aimer. Je compare nos étés, tes 5 à 7 bâtards dans le respect, mes beuveries sympathiques dans la douce folie du moment, et je n'ai absolument plus envie que tu reviennes dans ma vie, où tu n'as d'ailleurs plus ta place. 

Nos chemins n'ont plus raison de se croiser, nos pas n'ont plus rien en commun. 

Tu ne ferais que fracasser mon bonheur fragile, en replongeant tout ce que tu ne sais pas régler dans mes pensées ; tu ne saurais que froisser mes jours de confiance avec tes yeux trop bleus, trop tristes, et les souvenirs que je ne veux plus jamais revivre. Tu rendrais sérieux ce qui ne doit pas l'être, tu arracherais les points de suture pour rouvrir la blessure que tu as envenimée d'aigreur et de poussière. 

Je ne veux plus rien savoir de toi. 

Alors j'espère sincèrement que tu vis le plus parfait bonheur à faire visiter des forteresses aux touristes, à discuter tes idées caduques dans ces amitiés de surface, à gâcher cette intelligence que je t'admirais à l'idée de te taper un certificat médiocre en septembre, parce que je ne veux plus que tu surgisses dans ma vie. Pas toi, ni ta voix, ni ton ombre, ni même ce numéro de téléphone que j'ai tant guetté sur l'afficheur de mon cellulaire. J'ai retrouvé l'équilibre sur mon fil de funambule, j'ai reconstruit une bulle de bonheur toute simple qui s'épanouit mieux sans toi.

Adieu. Notre histoire se termine ce soir, sans ambiguïté, dans le plus long des silences, dans ta plus grosse preuve de lâcheté. 

« Dès que nous avons vraiment quelque chose à nous dire, nous sommes obligés de nous taire. » - Maurice Maeterlinck

mercredi 11 juillet 2012

« We are accidents waiting to happen » Radiohead

Ce n’est pas vraiment que tu me plaises – dire le contraire serait mentir ; mais tu es arrivé au bon moment, quand les mots de l’autre me faisaient défaut et que je n’avais plus que la bière blanche en fût pour oublier son silence. Silence froissé de p’tit gars qui n’a jamais su jauger le conflit, qui a toujours fui les conversations, les confrontations. Silence gris métallique et bleu Facebook qui perçait chacun de mes jours d’une douleur que même l’espoir n’arrivait pas à calmer. Silence outré et sourire de verre qui ont fini par avoir raison de mes sentiments pour lui. 

Ce n’est pas vraiment que tu me plaises dans l’absolu – ce sont toutes ces soirées d’ivresse, ces circonstances de rencontres inopinées et tes attentions à mon égard quand le monde autour de moi s’est écroulé qui me ramènent toujours vers toi. Ce sont tes quatre guitares, ton piano dans un coin et tes goûts musicaux particuliers qui me renvoient à cet homme que j’avais tellement aimé par le passé, vainement et par la bande. C’est ta formation musicale et un peu de nos rires, oui, quand même, qui t’ouvrent mes cuisses quand je voudrais tellement revenir en arrière. Mais je fixe tes quatre guitares, ton piano et tes feuilles de partitions, et j’éprouve un certain plaisir à sentir ton souffle ahaner contre moi, à crouler sous la lourdeur de ton extase, à laisser tes doigts de guitariste s’aventurer où tu le veux bien. 

Ce n’est pas que tu me plaises, mais pour ce que ça vaut, je finis par m’en balancer et attendre d’autres signes de ta part ; parce que c’est peut-être ainsi que les choses fonctionnent chez les gens normaux, chez ces imbéciles heureux qui restent des heures à fondre sous un soleil de plomb pour quelques mélanomes sur leur chair trop brune : le timing, et des intérêts communs déterrés, voire cultivés, dans le feu des conversations. Certes, on discute, parfois des heures ; des échanges longs et variés qui se brouillent dans l’alcool, qui meurent dans un bar crade et que j’oublie au lendemain, entre deux verres d’eau et un Tylenol. Ou qui deviennent une huile dorée, épaisse, que l’on jette sur un feu de paille consommé qu’à demi lorsque nos corps se retrouvent projetés sur ton matelas en désordre, souillé de sueur, de sperme et de sel. 

Et au matin, j’oublie tout, je ne te connais pas, pas plus qu’hier, parce que tout est flou et noyé dans la bière. Si toute relation se bâtit sur la construction de souvenirs communs, comment pourrons-nous nous apprivoiser si l’alcool est la justification même de nos rendez-vous ? Tu es chaque fois une carte blanche, un peu noircie tout de même, que je grise par la consommation de quelques verres de trop ; à refaire, chaque deux semaines, quand on se revoie et qu’on n’a rien retenu de l’autre, sauf quelques traces de peau sur nos chairs blasées. 

Ce n’est pas que tu me plaises en fait, mais l’attention que tu me donnes me rappelle qu’un peu de bonheur existe encore à proximité, l’affection que nos nudités blotties me procurent quand tu caresses mes cheveux, mes joues le matin réchauffe mon sourire, et j’oublie que je suis encore malheureuse pour ce grand vieux garçon qui m’a brisée au tout début de l’été. Et même si l’on s’entend pour que nos rapports demeurent dans la stricte sphère de l’amusement, j’espère secrètement que tu ne cesses jamais de m’observer, de me sourire et d’avoir l’air, au matin, un peu amoureux de moi, parce que j’aurai peut-être un jour un peu d’énergie pour que tu finisses par me plaire pour ce que tu es réellement.