mardi 31 août 2010

Le Temps retrouvé.

J'ai enfin réintégré la vie universitaire, celle des déboires sentimentaux et des rires à perpétuité ; réintégré le chemin qui mène à son sourire un peu timide dans la pénombre des rideaux de cotons d'une salle perdue au fond d'un pavillon. Opéra de Philip Glass et regards fuyants, ma nervosité qui se dépêtre sous la soie parfumée comme celle d'une fausse Misia Sert. Rayon fugitif automnal qui déclinera à mesure que nos échanges reprendront, que les éléments s'enchaîneront. Matière à discussion, mesure de distraction ; et toi qui souris dans le rai de soleil déclinant des lundis soirs sucrés de mûres sauvages.

Résister contre les attentes qui s'immiscent d'elles-mêmes dans le creux de ma tête, et se les voir combler trois fois plus que dans mes scénarios insomniaques. Craindre la froideur, l'indifférence, l'étrangeté, même, de ma présence renouvelée, et puis, dans une pièce désertée des intrus et des étudiants blasés, briller dans son regard qui n'a pas changé.

Il n'a pas beaucoup changé, en fait. Peut-être un peu maigri, ou mon souvenir était brouillé par la réfraction temporelle de la mémoire. Un peu nerveux, je crois ; toujours la même voix, pas très belle en fait. Et la crème aux mûres à l'odeur si puissante en évocations dont j'avais oublié la pregnance. Je sentais mes mains aux mûres, et c'était comme si je respirais son odeur, celle des moments passés à s'échanger ces regards brillants. Regards complices et sourires d'opérette retrouvés à la fin du cours, quand la classe s'était vidée et que nous avions toute la salle comme décor aux ébats spirituels de nos échanges. Flamme renouvelée et moments figés.

J'ai senti son bonheur de me revoir, sa réceptivité devant ma fébrilité en robe noire et en soie rose. Regards érotiques et impuissants dans les exhalaisons de crème aux mûres de mes mains. Bulle étanche et rires sous-entendus : attitude qui me confirme le "si tel est le cas, je serai content de t'y voir" de son courriel, dont j'en étais presque à douter de la véracité dans mes déprimes estivales aux odeurs gigognes des crèmes éparses qui ne crééront jamais la même dépendance que celle aux mûres.

Il était content, et je devenais celle que j'étais avant, jeune fille pure et romantique des fois où nous parlions dans la solitude des heures de bureau. Sourires caressants et la voix qui s'étire jusqu'à lui. Intérêt et attirance palpables, et nous ployons sous le regard de l'autre. Je me suis approprié de nouveau cette béatitude dans laquelle je suis sous ses yeux, ce bien-être heureux, cette facette de moi qui ressort à son contact et que j'aime.

On aime l'autre parce qu'on se sent bien avec lui, parce qu'on aime la personne que l'on est en sa compagnie. Comme si l'on retrouvait des parcelles de notre idéal en nous, parcelles qui naissent éclairés par l'autre, par l'essence de l'autre que l'on capte, dont on s'enivre.

Marie, de son poste d'obersvation aux premières loges, m'a dit lorsqu'on marchait après le cours : "Écoute, il n'avait d'yeux que pour toi." Et, comme une idiote de 15 ans, je ne peux m'empêcher de me répéter ces paroles, le refrain prenant d'une pièce festive en ré majeur, percussions et cuivres symbiotiques. Cacophonie du bonheur de retrouver la bulle confortable de cette drôle d'histoire, et de voir tout cela confirmé par l'oeil aguerri d'une de nos bonnes amies.

La session s'annonce donc lumineuse, farcie de promesses séductrices, d'événements culturels enrichissants et de bulles fruitées aux mûres sauvages !

Et je continue allégrement d'étirer l'amour comme un élastique trop usé.

Comme si ça servait à quelque chose, au fond. Sauf peut-être débusquer l'ennui routinier de mes jours pluvieux. Profaner mon quotidien en imposant une muse à mes poésie surchargées, décharnées, selon la note, l'envie, le jour.

Parce que, cette fois-ci, pour reprendre la fin d'un vieux texte de pacotille que j'avais écrit à l'époque de mes premiers émois collégiens, j'aimerais qu'on laisse les choses aller encore une fois, pour voir, simple curiosité, jusqu'où elles peuvent aller.

Ébauches fanées, secrets de carrière et flirts inavoués qui s'entremêlent aux arabesques musicaux des spectacles auxquelles nous assisterons, que nous discuterons.

La session s'annonce bien chargée en rebondissements, en émois et en effluves !

Bonne rentrée ! :)

samedi 21 août 2010

Broche à foin et brocantes.

Maintenant que j'ai la certitude que nous allons nous revoir et tenter de reprendre nos échanges comme avant, je meurs de trouille.

Un mélange de peur qui me vrille sur place et d'une joie inexprimable qui me prend au coeur. Je frissonne de peur, de joie, j'ai envie de pleurer, de me briser contre le sol, de m'effondrer à ses pieds.

Je repense à mon été, à toutes les visites sur le site de l'université à la recherche d'une trace de son nom, de poussières de lui laissées là par inadvertance. Je repense à mon attente, à ma patience forcée, formatée, à mes craintes effrénées, mes idéaux désabusés.

Et maintenant qu'il est là, je me glace. Figée et paralysée par une peur de l'inconnu ou, plutôt, du trop connu. Peur de glisser sur les houles incertaines de mes amours déchus.

J'ai changé ; lui aussi, peut-être. Il m'a sûrement oubliée ou, au maximum, son esprit n'a brossé qu'une ou deux fois mon souvenir flou, à peine grisant pour sa vie de jeune père comblé. Peut-être un vague sourire à peine esquissé pour le romantisme qu'il me savait, et que je possède beaucoup moins depuis son départ. Les derniers événements m'ont poussée dans une dépossession de la jeunesse candide que je brandissais encore en sa compagnie, et peut-être mon esthétique renouvelé, mes idées affirmées le rebuteront, feront office de muraille entre nos ébats spirituels.

Et pourtant, tellement de choses que j'aimerais lui dire, par lesquelles j'ai pensé à lui et que j'aimerais lui partager. Mais je pense qu'il est mieux que je les taise, repartir à zéro et agir naturellement, comme je le faisais quand son collègue n'était pas là et que nous riions sur la consommation de vin en Europe dans l'atmosphère un peu sombre de nos conversations. Toutes ces choses éparses, pêle-mêle, décousues et déglinguées. Comme cette entrée de blog, en fait.

J'étoufferai mon amour une dernière fois avant la séparation ultime. J'étoufferai dans cet amour impossible, dans mes silences irrévocables. Noble et désespérée dans une robe noire du deuil qui me suit à perpétuité. Deuil de mon enfance, deuil de mes amours. Deuil précoce de B. qui me revient pour mieux me fuir.

Sérieusement, j'ai peur jusqu'à en avoir physiquement froid sous un rayon de soleil qui, tantôt, me donnait chaud. Je crains que les choses aient irrémédiablement changé, que la complicité se soit éteinte, qu'il ne reste plus assez de force en nous pour ranimer les lueurs dans nos yeux exaltés.

Que, à force d'étirer l'amour comme un élastique trop usé, il m'éclate à la figure.

Fragment littéraire prise II

J'ai la peau brûlante et cuivrée, de grands yeux de femme-enfant qui brillent dans une salle de classe un peu terne. Je suis celle un peu à droite qui s'embellit de noir et de musique, qui te lance des perches de sourire parfaitement orthodontique, qui te nargue de son visage sans âge, un peu fardé. Je suis celle dont l'allure pose problème, celle qui détonne par son sérieux dans cette marée grouillante de couleurs et de rires, qui exhale des odeurs de mûres sauvages et de caféine insomniaque ; celle qui te parle d'amour en te parlant d'art, qui te caresse en repassant stupidement ta porte ; celle dont la décontraction feinte détonne dans le halo de notre attirance mal appropriée, de nos frissons à demi-cachés.

Je suis celle que tu regardes à la dérobée, l'air de n'y pas toucher. Celle dont tu aimes chaque visite, que tu retiens d'une question quand je me lève pour partir. Celle qui te cherche, celle pour qui tu te découvres sans le vouloir. Je suis la jeune fille des regards et des rêves romantiques qu'on est venu chercher pour secouer ton quotidien comme un pommier qui ne fait tomber aucune pomme. Mon visage est la rive qui a gardé la trace de tes pas hésitants que les vagues n'ont pas lavés ; mon visage t'est offert comme à la pluie bienfaisante un soir de juin trop aride.

Je suis l'ombre diluée de tes idéaux, le reflet fugitif de celle que tu aurais pu aimer. Je suis le sourire ébranlant avec lequel tu te dépêtres en public, le regard qui s'attarde et qui se dévoile silencieusement. Je suis cette larme que tu as peut-être versée, le regret éphémère d'une vie rangée, une pensée qu'on laisse voguer un matin où il fait trop froid pour la retenir.

Et humblement, je reviens un peu troublée. Un peu embarrassée, et pleine d'espoirs.

Je t'offre ma robe noire, celle que tu avais reluquée ou une autre, qu'importe, et les impressions accumulées depuis décembre. Je t'offre mon visage aux traits vieillots, mes cheveux d'or et d'ébène qui hument l'impuissance de mes heures ; mon écharpe de soie un peu froissée pour meubler tes nuits blanches. Je t'offre mon romantisme suranné par lequel tu m'as prise, ma timidité chevrotante qui accompagne tes pas dans un corridor exigu. Je t'offre mes doigts un peu gourds et mes yeux traînards d'amoureuse atavique ; tu écoutes mes os qui craquent en attendant l'extase, et tes mains tombent sur le piano comme pour retenir ta raison.

Tu es celui pour qui je bafoue les règles, et je pulvérise les diktats de mes regards dangereux. Je deviens autre et t'attends au détour d'une rêverie onirique. Profanatrice du langage et de la vertu. Tu es celui pour qui je ne crois plus au bon-sens, à la fidélité, celui des regards entendus et des sourires croqués dans une union craquelée.

Tu es celui que l'été me cache et qui, peut-être, ne me dévoilera plus. Tu es l'ombre voulue de mes insomnies, l'erreur charnelle de ma solitude, mes doigts qui te cherchent sans t'atteindre. Tu te glisses contre ma peau bariolée et ton absence logique empire mon agonie.

Le parfum demeure et tes yeux fugaces ne sont qu'un rêve. Et je crève à petits feux dans des draps épars en cherchant des morceaux périmés de ta voix fluette de gamin qui aurait mal mué. Draps pétris de ton absence. Corps fripé de trop t'attendre.

L'espoir fait vivre, mais comme sur une corde raide.

vendredi 20 août 2010

Enfer et damnations !

Je pense que l'Université Laval m'en veut et me tiendra dans l'insatiable attente jusqu'au 30 août 18h30.

Le nom d'un premier chargé de cours a été affiché, et l'autre demeure derrière un ACU ingrat, inactif. Il me nargue avec ses trois lettres grasses et rondes, devenues piquantes à cause du A. Je m'en fiche de savoir qui est mon prof de création. Contente de savoir que j'ai pas la fille un peu folle, mais vraiment, pourquoi ?

Desfois, j'me dis que la vie est contre moi. Je pleure un soir en buvant trop de vin, je m'indigne l'autre contre une succession d'événements qui font que je hais tout ce qui m'entoure : famille, temps, job, été, courriels qui ne viennent pas.

J'aime vainement, dans le vide ; j'aime les images que j'ébauche grossièrement quand je ferme les yeux et qui me percutent par le beauté sur le dos de mes paupières fatiguées. J'aime en sachant combien c'est illusoire, à quel point c'est à sens unique et je me grise de petits détails, des bribes de sens que je déculpe dans mes écrits, dans mes souvenirs.

On peut en dire long sur un regard. Mais ce long n'est pas infini, et je devrais peut-être en revenir, parfois.

Au moins, cette anastomose de regards devant le Casault ou dans un bureau beige et sans fenêtre me fait comprendre bien des choses.

J'ai des moeurs de femme d'une autre époque, d'une autre génération, et j'agis comme si j'avais atteint la trentaine. Alors je m'assume, et irai boire du Pinot noir contre le comptoir un peu sale d'un bar en laissant ma classe intemporelle de perles et de robes noires agir sur ceux qui sont en âge d'être jeunes papas.

Ou qui le sont déjà.

Et c'est toujours ACU qui est écrit sur ma grille horaire !

Enfer et damnations !!

jeudi 19 août 2010

Embrasser sa souffrance, ou peu importe c'que disait Camus.

Mer éthylique de vin rouge pour noyer cette douleur latente, lancinante, constante qui s'est échouée en moi pour ne plus me déserter. La seule chose qui ne déserte pas chez moi est bien la douleur. Alors le vin noie le reste. Le vin solitaire, ce soir. Pour une première fois. "Ce soir, j'suis en brosse !" disait-elle, même toute seule. Et seulement me rappeler sa voix me pousse à tendre la main vers la bouteille et emplir à nouveau ma coupe à demi-vide. 

L'amour stellaire. Aimer plus que tout, parce que c'est plus que de l'amour. Aimer jusqu'à l'impuissance. Se sentir impuissante devant la grandeur vaine de tout cet amour dilapidé dans le beurre, pour une image, pour entendre à nouveau son rire. Ivoirine, pure, une beauté toute-puissante qui vous prend le coeur et vous le pulvérise sans y toucher, sans en avoir conscience, sans même s'en approcher. Figure solaire d'une vie qui garde la sienne dans l'ombre. 

Mettre des mots sur les sentiments n'est pas facile, encore moins quand il s'agit d'un capharnaüm d'amours déglingués, complémentaires. C'est un amour stellaire car c'est aimer une personne de tous les types d'amour possibles et osciller entre eux. Vagues capricieuses du sentiment qui ne sait où donner de la tête dans toutes ces manifestations viscérales. 

C'est aimer quelqu'un pour tous ses fragments. La manière dont cette personne peut se gratter le dessus de la tête en décoiffant légèrement ses cheveux attachés. Les dents entassées, comme inégales quand elle se met à rire pour une imbécilité insignifiante que je peux lui dire, avec ses yeux qui brillent et son timbre drôlement grave. Son maintien discret, un peu froid, et le sentiment de complétude quand je sens son plaisir à me revoir dans la lumière crue et comme douloureuse de sa fenêtre. La manière dont elle échappe des "ma belle" comme malgré elle quand je la quitte, et que je garde précieusement une fois la porte du bureau refermée. "Ma belle" affectueux qui me garde au chaud quand je marche jusqu'à l'université. Sourire un peu niais sur mon visage satisfait. 

L'amour stellaire, c'est beau, c'est grand, mais ça en devient douloureux quand le mois d'août s'éternise et que je ne viens pas à bout de l'été sans éclat, sans bonne nouvelle pour me faire oublier son sourire absent, ses mots qui désertent. Et j'attends, en buvant du vin qui n'est pas si bon, en rêvant au vent doux de septembre où la vie reprendra. 

Et dans un tout autre ordre d'idée, y en a marre des garçons ; je retourne aux hommes, ils ont plus de chance de trouver mon côté vieux-jeu et mes moeurs démodées à leur goût ! 

C'est peut-être le vin, mais je me relancerai avec B., juste pour voir où cette fois-ci pourra nous mener. 

lundi 16 août 2010

À fleur de peau.

Le ciel s'est couvert de gros nuages gris qui bloquent la lumière, qui la rendent un peu morne. J'ai envie de tendre le doigt, de la toucher, d'en conserver des parcelles comme si elle était objet tangible. Égayer la tristesse par un fragment de lumière argentée des mois d'août pluvieux. J'ai le vin triste et l'angoisse légère. Parfois, pourtant, elle s'alourdit et devient bloc de marbre dans le creux de mon ventre. L'angoisse me prend au coeur, elle vrille mon estomac et compresse mes viscères. C'est douloureux, alors je bois du vin avec les copines et finit par aller pleurer dans une chambre. Je ressens la vanité de ma vie comme un frisson glacial qui me parcourt de la tête aux pieds. Un amour fulgurant et stellaire s'est niché en moi et s'éveille dans les larmes quand j'ai trop bu ; je l'aime jusqu'au bout des doigts, plus fort que tout ce que je ne connaîtrai jamais, et toujours, je suis prise dans ces bouffées d'affection qui s'envolent sans pouvoir arriver à la cible choisie. Sans vouloir y arriver.

Je garde cet amour comme une pierre précieuse entre mes mains. Je la soupèse, la polie, la contemple, pleure d'admiration devant elle. Esthète amoureux de l'oeuvre d'art qui le poursuit la nuit, qui déserte ses murs en attente d'avoir les moyens de se la procurer. Et mes lèvres demeurent scellées.

Lèvres également sevrées de chaleur humaine, de langue tiède qui ne les entrouve pas, occupée qu'elle se trouve à chantonner comtines et pommes d'api.

Et je constate que les stationnements scolaires se remplissent et j'ai envie de pleurer parce que mon enfer estival tire à sa fin...

..pour ne mieux que renaître en mai prochain.

Et je ne sais toujours pas si j'étirerai l'amour comme un vieil élastique trop usé cet automne, car Capsule me nargue de ses ACU que je maudis. Ni ce qu'on a pensé de mon analyse sur Rina Lasnier, et je crains encore que mes échanges avec elle s'éteignent par son caprice, par son ennui, par ma maladresse.

Je pense que l'angoisse est estivale et que la solitude m'est imposée.

Et je pleure encore parce que tous ces sentiments pulvérisés par le vide m'ont rendue à fleur de peau.

dimanche 8 août 2010

Pratique poétique.

J’ai oublié le goût mentholé de tes lèvres gourmées.
Ta saveur toute particulière de mûres et de terre ;
De Ballets russes, de thé, de nymphéas impressionnistes,
Et des baisers dilapidés par une belle mariée de faïence.

J’ai oublié mon écharpe de soie contre le sol de nos matins,
Échouée entre tes murs beiges, humides et sans fenêtre.
Soie rose pétrie de nous que tu as peut-être froissée
Pour taire la présence adultère de nos ébats friables.

Mon cou citronné est un affront à tes joues rêches,
Et je brise la lumière, toutes les symphonies en ut majeur.
Mélopée pluvieuse qui s’emmêle dans tes doigts pianistiques ;
L'écho de ton rire flatté dans la poussière de ma tête.

J’ai troqué Chopin pour une valse de Ravel,
La pêche rosée de l’enfance pour du noir perlé.
Je ploie sous l'éventail et chasse le romantisme :
Et le filtre des cigarettes a remplacé ta langue sucrée.

J’ai usurpé l’odeur musquée d’une égérie littéraire.
Me reconnaîtras-tu, sans les mûres, sans bonheur et sans éclat ?
J’ai vendu des lambeaux d'âme pour un semblant de mère
Et, dans ma nudité et ma solitude, il fait noir ; j'ai un peu froid.

J’ai oublié le goût fugitif de tes lèvres flûtées ;
Ton sourire de polichinelle contre mes mains gantées.
J’exhale tes promesses dans la brume automnale
Et elles valsent, gigognes, dans les draps de l’autre femme.

jeudi 5 août 2010

Vivre par procuration.

J'ai ton nom sur le coeur, tatoué en minuscules. Petits caractères gravés contre ma chair, qui se réduit parfois à une seule lettre. Paraphe de l'amour éternel et inconditionnel ; morceau de toi en moi qui ne décolle pas.

J'ai usurpé ton odeur, comme si c'était la certitude de ne plus jamais te perdre. Effluves épicés de patchouli et de citron qui me gardent tiède quand l'été humide s'abat sur une ville oppressante, désertée de toi.

J'ai ta voix qui me parle encore, soliloque culturel dans une tête gigogne, rire de marguerites et éclats enfantins dans les yeux. Je relis de vieilles missives et t'imagine me les raconter ; je retrouve alors des lambeaux, des fils que je n'ai pas tirés pour poursuivre la discussion plus loin qu'un échange de mots virtuels en deux ou trois courriels.

J'ai la tête qui me fait mal et des envies de porto blanc, de vin rouge et fin bu au goulot. J'ai l'insomnie qui se profile et la plume défaillante, indigne des souveraines et des muses fuyantes. Je fantasme sur une écriture vraie et poétique ; percutante. Je voudrais profaner le langage, mais me voici prisonnière des balises édictées de l'imagination qui crie le récit et le veut structuré. "L'écriture est un acte irréductible" : par où dois-je passer pour atteindre ce ground-0 inconscient de l'écrit ?

J'ai la tête qui tourne, un coeur en excès qui ne sait pas aimer sans limite de temps ; une rage intacte contre cet ACU qui masque, peut-être, ce nom proscrit devant les autres. J'ai une peur de l'échec inavouable, une admiration débordante qui risque toujours de virer malsaine, selon mon humeur, la température. Virer comme ma crème à mains qui est expirée et qui se sédimente en grumeaux. C'est dégueulasse, mais je n'ose pas la retourner au magasin ; alors j'achète chez Crabree & Evelyn, comme si c'était le chat qui déchire les foulards jaunes dans le roman caché au fond de mon tiroir.

J'ai une écharpe de soie rose qui ressemble à une toile de Klimt, et qui sent les bureaux ivoirins du département de français. Premier contact de mon cou aux figues et au basilic avec la soie, la vraie, celle qui coûte les yeux de la tête et qui fait un trou dans mon porte-monnaie, qui dérobe la chaleur du grain de la peau et les années 2000 de mon maintien.

J'ai un début de roman de 83 pages que je brûlerais en échange d'une autre plume, et une hâte incommensurable de recommencer l'université ; un cours sur Proust précipité et une initiation à organiser qui n'aboutit pas ; un amour atrophié pour un nom qui n'apparaît jamais et que je cherche à tâtons, les yeux embués, un amour stellaire pour une image perdue en Europe ou je ne sais trop où.

Mais j'ai ton nom tatoué sur le coeur, en minuscules au bas d'une note rapide, et c'est probablement le fil d'Ariane qui me mènera au bout de l'interminable été dans lequel je m'enlise tristement.