mercredi 29 décembre 2010

Fascination.

Son teint est au bord du gouffre, ses cils ne battent presque plus ; une épave dans une salle à demi-vide, dans le bruissement des nuits de fin décembre. On la croirait morte, presque, avec cette peau diaphane et cette tristesse sur les joues. Des doigts qui jouent avec l'ourlet de son manteau en attendant l'obscurité. Vidée par l'hiver qui ne fait que commencer.

Mais elle prend la situation à bras-le-corps et dirige les lumières sur moi ; me demande si je vais bien, si je passe des belles fêtes. Elle me semble affligée, mais elle remet le masque de sa beauté et me sourit en s'enquérant de moi. Elle m'a l'air heureuse de me voir, touchée de ma course pour la saluer.

Mon ivresse ne se rappelle de rien, d'une vague sensation de plaisir à me rencontrer par hasard et de la douceur de sa joue contre la mienne. Joyeux Noël, et une joue poudrée, un peu fripée tendue contre mon haleine de bière et de cigare à la menthe. On se revoit en janvier ?

J'ai toujours un pincement au coeur quand vient le moment de la quitter. Elle m'émeut et me fascine, mais ses marques d'amitié naissante me font oublier tout le reste, la vie amoureuse qui ne mène à rien, les moments de solitude interminable, les sourires feints et la poésie qui dérape.

mardi 28 décembre 2010

« Quelquefois je ne puis comprendre comment un autre peut l'aimer, ose l'aimer, quand je l'aime si uniquement, si profondément, si pleinement, quand je ne connais rien, ne sais rien, n'ai rien qu'elle ! »

Goethe, Les Souffrances du jeune Werther, p. 114.

dimanche 26 décembre 2010

Étirement

Flirter avec la limite est grisant.
Mais il est peut-être temps de la franchir. Ou de m'en éloigner.

Tourner le dos aux émois deux ans trop tard.
Cesser d'étirer ce regard que l'on a connu un jour que février s'éternisait et nous engluait dans l'inaction.

Ce qu'adviendra de l'immobilité, 2011 me le dira d'une brise caféinée.

jeudi 23 décembre 2010

Joues froides

Tes joues ont le goût du temps qui passe
J'y puise un peu de soleil du bout des doigts

Une dernière feuille s'est posée au bord de la fenêtre
Elle craque sous ton souffle    sous le poids de tes yeux
   et s'envole avec la poussière.

Tes joues ont le goût des soirs d’hiver
J'y glisse comme sur la neige après la pluie.

Un visage disparaît dans le mouvement
Il s’agrippe à mes yeux     aux dernières lueurs du soir
   et meurt dans un sursaut symphonique.

Tu marches sur un fil
Tu ne regardes pas en bas par crainte de fêler le verre.

J’ai peur du vide colmaté par les cafés froids
   les soirées venteuses lourdes de silence
      des doigts immobiles, las de se chercher

Le temps passe encore et ne tombe pas
      comme la pluie lourde de décembre.

J’attends que l’on me tende l’autre joue.

samedi 18 décembre 2010

Isabelle = 1 ; La vie = 0

Tout est bien qui... ne finit pas ! :)

Dans la mouvance d'une foule qui se disperse, on a discuté. Comme avant, comme lorsque tu couvrais tes mains de soleil et de fer, et que tu ancrais ton regard sur le mien. Tu me parlais, tu me contemplais comme si j'avais été une oeuvre d'art émouvante de beauté et d'éclat.

Je ne te comprends pas.

Un instant, et tu changes complètement de tactique. Tu ne m'oublieras pas, tu me l'as laissé sous-entendre. Tu restreins la distance entre nous, tes mains sont puissantes et me convainquent de ne pas te laisser filer entre mes doigts.

En nous quittant, tu t'es retourné deux fois. L'instant de capter mon regard, de me partager ton consentement ; de me faire comprendre que ce n'est pas terminé, que tu étais content de m'avoir dans ta vie. C'était un regard de trop, peut-être. Un regard qui voulait comme tout dire. Complice et charmé.


« Il y a entre nous mille silences et la distance de l'infini. »

mercredi 15 décembre 2010

Nos profils désuets

On se quitte, mais pas tellement. Une bourrasque de neige qui nous désunit. Les joues qui craquent sous le froid et les pieds mouillés. Incertains de se revoir, mais en même temps, oui. Je repasserai, et tu le sais. 

La neige infiltre les petites bottes et tu me regardes sortir dans la tempête. Le campus est désert, mes mains aussi. Je jouais avec mes doigts pour ne pas agripper les tiens. Tu me souris, tu penses à l'Argentine et à Noël. 

Je t'ai écrit des choses que tu ne liras jamais. 
Je t'ai livré l'univers et tu ne le cueilleras jamais. 
Je t'offre ma vie et tu la regardes, en sachant que tu n'y toucheras jamais. 

Je te laisse une odeur de mûres sauvages, une salutation inopinée entre les murs verts déglingués lorsque je n'en pourrai plus de ton absence. 

La valse aux adieux a repris là où nous l'avions laissée. Rythme ternaire et piano fébrile. Tes doigts nus se cognent contre les touches d'ivoire et je ne trouve même plus les larmes pour t'accompagner. 

La neige tombe sur ma tête et les mots que je n'arrive même plus à saisir quand ils coulent de ma bouche. 

Au plaisir, qu'on dit ? 
Je crois, oui.

À ce soir, peut-être... 
Pourquoi l'espérer ? 

Ma langue craque en attendant le vin rouge qui noiera ton visage dans un flot de mouvements. 

Et décembre me nargue des décombres de nous. 
Un Noël en ruines. 
Une solitude sous les couvertures, et le feu qui craque comme pour me rappeler tes rires symphoniques. 

Bonsoir. Joyeuses fêtes. À bientôt ? Probablement. 

samedi 13 novembre 2010

Inepties

Moi : « Pourquoi est-ce que tu t'es mariée ? »
K. : « Parce que c'est plus facile de contrôler un cheval quand il est bridé. »

Je fais de drôles de rêves, dernièrement !

C'est drôle, quand même. Rêver à quelqu'un à qui on a jamais parlé, que l'on a seulement vu ; rêver qu'on discute avec elle, qu'on lui pose des questions qui la destabilisent et la rendent vulnérable ; rêver à cette femme que l'on ne connaît pas, recroquevillée sur un banc de parc avec de gros bas de laine. Au réveil, on se sent si près de cette personne à en avoir pitié, à ressentir une grande compassion pour cette pauvre personne qu'on s'oblige à éviter.

Rêver à quelqu'un qu'on ne connaît pas, et au matin, avoir l'impression de la connaître parfaitement.

Le monde onirique est un drôle d'univers.

mardi 9 novembre 2010

Les mûriers

J'en ai fait un autre. Encore pour mon cours d'Écriture de la Poésie. Écriture concentrée, calcifiée, sur demande. Écriture malsaine, itérative parce que vomie en trop peu de temps, à trop grande fréquence.

Mes poèmes se suivent et se ressemblent.

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La rue était longue sous tes pas, et les mûriers en fleurs
C’était le printemps de la musique       du ciel vert de Venise
Je t’écoutais fredonner en tricotant nos jours
on ne parlait pas de politique ;
on dessinait l’envers du ciel sur nos paumes offertes
on glissait sur les chiffons de lumière qui s’étalaient comme des ailes
Les mots s’emmêlaient d’eux-mêmes      fêlaient la pierre d’éclats de rire
Je te suivais ; parfois, tu te retournais avec des sourires dans les yeux
tes mains avaient froid sous tes gants
Tu ne disais rien
Tu m’attendais pour m’apprendre à rire      pour serrer mes doigts tachés de pluie
La rue s’allongeait sous les feux de soleil      sous nos pas insolents en désordre

Les mûriers embaumaient le printemps
Le vertige éphémère d’avant l’été

La rue est toujours longue et elle se déploie encore
Le brouillard a posé un voile sur mes yeux d’enfant
Ton pas scande l’absence        les regards longs comme des rondes
Les mûriers frissonnent dans leur nudité
Les feuilles craquent entre mes doigts         les tiens sont froids comme Décembre
Tu ne portes plus tes gants, et j’ai perdu mon écharpe au passage
tombée dans la terre craquelée de l’automne
reliefs d’une vie laissée de côté
Où sont tes yeux, tes mains ? Seule ta voix demeure
Elle sent les mûres sauvages et le froid
Ta voix qui tangue et qui nie
Le mouvement des saisons qui nous étouffe.

samedi 6 novembre 2010

Amour stellaire et amour désert.

Cette semaine, rien ne me fut plus agréable que de discuter trente minutes de cheveux et de magasinage avec elle, sans remords de se laisser aller à des propos tellement frivoles et peu intellectuels puisque l'on sait pertinemment qu'on est plus que capable d'avoir de grandes discussions littéraires et existentielles ; de discuter d'autres choses et en ressentir un plaisir presque comparable aux émois que l'intellectualisation peut amener.

Et dans ce novembre qui débute à peine mais qui déjà m'étrangle, c'est un rai fugitif de bonheur à considérer sérieusement. 

Je prends une poignée de priorités entre mes doigts et les soupèse, parce que les discussions que j'ai avec Y. m'amènent à remettre en question celles que j'ai en ce moment avec toi. 

Toi qui oses te présenter devant nous tous avec tes mains étrangement nues, libérées de cet anneau de soleil qui me brûle les yeux chaque fois que j'y pose les yeux - oubli hasardeux ou symbole tacite de périodes houleuses ? Toi qui oses t'informer superficiellement de moi parce que le silence te rend peut-être mal à l’aise, sans vraiment avoir envie de savoir ce qui s’est réellement passé, pourquoi je suis demeurée froide et muette, pourquoi je reste un peu en retrait à attendre que tu aies refermé les portes derrière toi et que, au fond, tu le meubles ce silence qui s’étire entre nous deux... 

Je jongle avec des impressions de chaleur et de distance glaciale ; je n'arrive pas à mettre des mots sur ce que tu m'inspires, sur ce que tu me fais ressentir. Dernièrement, j'en ai ma claque, et j'ai l'impression de préférer de loin Yolaine qui me demande sincèrement si je vais mieux à toi qui s'enfourche dans tes mots quand je soutiens trop ton regard dans la pénombre d'un diaporama.

Parce que toi, au fond, tu t'en fous. 

Image de toi et moi piétinée avec les dernières feuilles d'automne qui s'entassent dans les coins de rue. 

J'ai peur d'avoir tout gâché. 

jeudi 4 novembre 2010

Les mains nues

Un autre poème. Parce que j'ai des crédits pour ça. Parce que le trop plein de mots déborde, et l'impuissance n'en a rien à battre. Parce qu'il fait froid, c'est novembre et que tout achève. Parce que je ne sais même pas si je vais bien ou non.

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L’instant d’un geste, et tes mains nues se posent sur mon ombre
Murmure d’un matin qui prend vie entre tes doigts
Et je me rappelle du printemps qui s’étale sur la feuille
       ces trois notes répétées à l’infini
       ces fleurs blanches au bout des lèvres
       cette robe qui cachait le jeu tacite des porcelaines
Le temps froisse les cils comblés      les visages cernés de café
Et tes mains nues que je fixe ne cessent de restreindre l’air entre nous.

Un instant, et novembre détourne le regard que tu lèves sur moi
Ton regard où tremble la tristesse de l’immobile
                 où gît le relief de tes nuits bleues et blanches
Ta voix s’empêtre dans le sentier      trébuche sur les lignes trop droites
Et ta maladresse porte l’eau trop chaude à mes lèvres     à la source russe de thé
                          mots savants qui meurent dans ma gorge
                          yeux clos pour déglutir le vide

Mes yeux insistent    ta langue s’enfourche
Dis-moi ce que je sais déjà.

Un seul instant, et le tu se cogne contre mes dents
       bruissement en mi bémol dans l’indécence du noir     de tout ce noir !
Tu cueilles l’insolence d’un frôlement d’haleine       
                 l’ombre d’une mélodie sur nos bouches closes.
Désapprend-moi l’été en sifflotant les airs que j’ai oubliés derrière
         là où la vie reprend son souffle

Je déploie nos cendres sur les feuilles
J’y grave tes sourires confus       mes vers abîmés au creux du vent

Pourquoi tes yeux sont-ils si tristes ?

Tes mains nues se sont dérobées derrière l’audace      tes mains pudiques de leur blancheur cruelle
Et je noircis le papier où tu as posé l’empreinte de tes rêves
    je valse avec les images que mes doigts n’ont pas su saisir
       avalée par l’insomnie                   à l’envers du monde

Je suis la prisonnière du vertige des aurores automnales
Pour un instant, j’ai tracé le monde sur tes joues
Mais le verre ne se fissure pas, et ton ombre dérive sur une quatrième note trop longue.

dimanche 31 octobre 2010

En mouvement

Je pensais ne jamais vraiment penser cela un jour, mais je ne veux rien savoir de sa vie. 

Rien savoir de sa vie qui n'est pas de moi, de lui à moi. Rien : pas même ce qu'il a reçu en cadeau à son anniversaire, s'il a décoré pour Halloween, s'il utilise un détergent bio ou non pour laver ses vêtements. 

Parle-moi de tout, parle-moi d'art, de lettres, de toi ; mais ne me parle pas des trop nombreux aspects de ta vie dans lesquels tu ne m'inclues pas. 

Je sais que la quasi-totalité de tes jours, tu les passes loin de moi ; que si je traverse tes pensées, c'est épisodiquement, en les rares moments où ton esprit est ailleurs et ennuyé du ronron quotidien ; que je ne suis qu'une jeune fille aux grands yeux qui brillent quand ils te voient et qui apprécie beaucoup ta conversation, ton rire. Je sais que tu as une vie qui te prend au coeur et à l'âme, et que tu y consacres ton sourire et tes heures ; mais je suis incapable de voir. J'en ai conscience, certes ; m'y confronter de visu, c'est trop me demander. Je me brise, me fracasse et me retire derrière un masque blessé et des bras croisés. Bouclier de ma réserve, de mon affection atrophiée. Ton regard ne peut même plus venir chercher l'ombre d'une parole en moi parce que tu n'es plus celui que je connais, que j'aime peut-être. Tu es l'autre toi, celui de ton autre vie, celui qui reprend le rôle que je ne connais pas. Tu es une doublure du toi que je connais, son sosie ; mais tu accompagnes cette femme à ta gauche, et elle enlève toute crédibilité à ce toi qui hante ma vie. 

C'est drôle. Je connais très bien ta situation, et je m'en lave les mains ; par contre, une esquisse visuelle de l'homme que tu peux être au quotidien, et je me sauve. Je me bouche les yeux. La fuite de l'impossibilité. Cette vie que tu mènes sans moi, je ne veux pas la connaître car elle me heurte dans mes convictions, dans mes illusions. Elle me griffe, m'arrache la langue et infeste mon imaginaire. Je m'enfuis parce que, malgré toute la douleur que je pressens déjà, j'ai encore un peu l'intelligence de vouloir me protéger de la souffrance ultime. J'ai encore à coeur le petit bonheur dont la flamme vacille faiblement. 

Je ne sais pas jusqu'où cette protection instinctive est saine ; je ne sais pas jusqu'où j'ai raison de fuir cette fille blonde qui t'accompagnait à l'opéra jusqu'à refuser de la croiser, de ne pas vouloir exister à ses yeux. À vrai dire, il n'y a plus grand chose que je sais. J'ai peur d'avoir franchi la limite du sain et de connaître à nouveau le désarroi, comme avant, comme avec R. 

Les choses changent, ne cessent de changer. Tantôt, tu me regardais avec cette lueur et ce rire dans les yeux ; maintenant, tu ignores ma présence et tu croises les bras parce que je ne suis qu'un visage parmi les autres. 

Toi et moi, qu'en reste-t-il, qu'en est-il ? Est-ce que ce toi et moi, au bas d'un escalier, entre les gens qui quittent et qui viennent, a existé ? Les épaules tendues, les regards qui ne décollent jamais : qu'est-il advenu de nos mots précipités dans l'espoir de titiller l'attention de l'autre ? 

Les choses changent, et nos émois suivent le mouvement. 

Novembre pourra peut-être, pour une fois, m'épauler. Mais novembre est fourbe, et je n'ai pas envie qu'une grisaille morne demeure mon seul espoir...

Je néglige ma vie en attendant de la vivre enfin. On est drôlement faits ! Mais j'ai écrit à Y., et peut-être sa discussion prochaine calmera mes déboires dépressifs et automnaux. 

mercredi 27 octobre 2010

Thé & chocolat

Le thé Kusmi et le chocolat belge en viennent à bout de tous les sentiments d'impuissance qui m'envahissent depuis deux semaines. 

Le thé Kusmi et le chocolat belge peuvent presque remplacer l'ardeur de tes yeux qui fuient les miens quand elle est là, à ta gauche, avec son visage un peu bouffi, ses perles aux oreilles et ses yeux qui ne comprennent pas mon mutisme buté. 

Le thé Kusmi et le chocolat belge me font oublier que tu m'as ignorée hier malgré notre conversation de dimanche dernier, conversation crispée par la proximité de nos corps dans la rangée de cette salle de spectacle où nous parlions. Bien sagement, de choses et d'autres ; discussions peu intéressantes et colmatées des sujets du bord. Regards soutenus et sourires en coin, un peu dans le vague, comme cette première fois où je t'avais quitté tellement troublée par l'intensité de tes yeux qui me toisaient. 

Le thé Kusmi, chaud et riche d'épices recherchées, me redonne confiance en une nouvelle orientation pour nous deux, en ces 5 semaines effrénées qui restent pour m'ancrer pour de bon dans ton affection, dans ton amitié. 

Je repousse donc la déprime d'une gorgée de thé russe et essaie d'avoir confiance en moi pour décocher ton coeur ou, du moins, un sentiment attendri d'ami par intérim, car tu ne peux être autre chose, car tu ne veux être autre chose. 

vendredi 22 octobre 2010

Immobilité.

Les feuilles ne tremblent plus entre les coups de vent          
L’air s’arrête      prend son temps       inspire les derniers accords de la nuit
Rien ne bouge                         les petits doigts froissent le papier
                                                                     déchirent le silence
Le silence qu’il a posé au coin de tes lèvres
Là où la commissure enferme le rire
Entre l’adhésion et le refus.

Tes pas défient le noir qui t’a suivie jusqu’ici
Et qui ne survit plus à la fenêtre éclairée là-haut
Là où tu rêvais d’étendre ta vie      ta voix fatiguée de chanter faux.
L’ambition désincarnée de décembre s’immisce sous l’écharpe
                                                       soulève la terre craquelée      
Et tu restes à l’écart
Entre l’adhésion et le refus

Marcher seule             fuir l’hiver par les portes de secours
            Il attend derrière le tison brillant d’entre ses doigts.

C’est au fauteuil de velours que tu penses encore
Au feu doré attisé par les mots           ceux qui ont perdu leur sens
                                                                ceux que tu ne trouves plus entre les feuilles mortes.
            Toujours l’éclat perce le bout de l’obscurité

La fumée s’élève jusqu’à l’amertume             la clarté de demain
Tu cherches encore la trace de ses foulées ardentes
      de la brume de sa bouche
De cet automne qui joue à avoir peur
Instant fugitif de l’équilibre
            Entre l’adhésion et le refus. 

dimanche 10 octobre 2010

Et moi je t'aime un peu plus fort

C'est bien moi : être nostalgique pour quelque chose que je n'ai pas encore perdu, qui m'appartient encore pour quelques longues semaines.

Et j'écoute Coeur de pirate, et je pleure quand même. Je lui abandonne quelques gouttes salées de l'océan existentiel dans lequel je baigne. Je succombe à mon éternelle nostalgie, à mon romantisme sempiternel que j'aurais bien voulu voir révolu.

Que j'aurais bien voulu lui présenter comme révolu, fruit du mouvement foisonnant du début du XXe siècle.

Mais s'il peut continuer à s'approcher en catimini, l'air de n'y pas toucher, je m'agripperai à mon romantisme jusqu'à la dernière seconde. Et il sourira. Un peu timide, un peu guindé ; mais comme touché malgré tout.

J'aime tourner le couteau dans la plaie, faut croire.

vendredi 8 octobre 2010

Ébauches fanées et secrets de carrière

Pour une raison que j'ignore - peut-être de manière injustifiée, au fond - j'ai l'impression qu'il s'enfonce lui aussi. Qu'il est moins en contrôle que ce que d'emblée je semble croire. Que ce qu'il m'est permis de croire.

Il perd du terrain, je crois. Et j'aime ça.

Comme si on partageait un état de glissement. Il sait. Je sais. Il sait que je sais. Je sais qu'il sait. Bref, ce genre de jeu de miroir de la conscience de l'autre.

Et Marie rit de nous parce qu'on - moi, mais lui encore plus - ne sait plus comment agir l'un envers l'autre. C'est à qui relance l'autre. À qui suscite l'attention de l'autre, les yeux qui se lèvent, le sourire qui se forme. À qui charme l'autre, à qui provoque l'autre.

Tribulations agréables parce que partagées. Je surnage depuis un petit bout et, tout à coup, je m'aperçois qu'il m'accompagne un peu dans cet état d'indécision en détresse. 

J'ai passé plus d'un an à penser que ce courant, cette énergie n'affectaient que moi ; qu'il ne s'en rendait, au fond, pas tellement compte ; qu'il retournait tranquillement chez lui se vautrer dans un confort sucré d'amour tendresse et familial en oubliant tout, en niant tout. Encore l'erreur de penser que j'étais seule à ressentir, à subir l'effet de mes émois ; que mes actes, mes impressions n'allaient pas au dehors de moi. J'irradie mes émotions sans m'en rendre compte, et je suis naïve au point de croire à l'ignorance des autres. 

Mais il embarque dans le jeu et se laisse aller dans cette séduction minimaliste et subtile que je lui propose, avec laquelle je reviens à la charge. Il consent à se mouiller dans l'éclat brillant de nos regards soutenus, à flirter avec la ligne ténue de la décence innocente. De l'innocence décente. On est blancs, mais pas tout à fait ; un blanc crème, un peu sale, mais blanc quand même. 

J'ai du front. Je connais sa situation, et mon sourire séduit s'en lave les mains. J'ai du front, un regard qui soutient le sien, et sa posture flanche, ses épaules se tournent, la distance se rétrécie légèrement entre ses pulsions et les miennes. 

Je découvre avec un plaisir un peu malsain que je peux, moi aussi, troubler les gens. 

Et je pense de plus en plus qu'il y a de quoi à aller chercher dans tout ça. Que le contexte, l'université, la vingtaine, l'anonymat à travers cette soixantaine d'étudiants inconnus, rend les choses excitantes et, pour ainsi dire, possibles.

vendredi 1 octobre 2010

À la dérive.

C'est l'automne, je ne sais plus où j'en suis. 

La vie joue avec moi, avec mes émois ; elle me projette dans une voie houleuse que la raison me pousse à déserter. 

Je me brise contre un beau regard brun qui se colle au mien, qui s'ancre dans le mien ; un regard qui rit constamment sans jamais se désister, sans jamais s'échapper ; un regard qui a lu tout Proust, qui partage mes conceptions esthétiques, qui joue avec les relents de romantisme exalté que j'ai laissé tomber au coin de mes yeux fardés. 

Il pleut tout le temps, je m'emprisonne avec mes pensées dans une tour d'ivoire théorique. 

Hier, j'ai marché six kilomètres pour faire de l'ordre avec mes idées. Six kilomètres, ma robe pour aller au concert et ce qu'il reste de cette vilaine grippe qui obstrue ma voix. Six kilomètres, et je ne sais toujours pas où j'en suis par rapport à toi, à nous. 

Il se passe quelque chose qui me draine à toi. Nos yeux lumineux qui ont peine à dessouder, et tes épaules orientées vers mon impuissance cimentée. Ton rire d'enfant égaré et tes mots qui viennent glaner mon sourire pour redorer ton orgueil de coq charmé. 

Il se passe quelque chose, et tu sembles au courant. Plus que moi, en fait ; tu en fais moins de cas, je sais. Négation, protection ou lucidité ; mais il se passe quelque chose que tu fais durer et dans lequel je me complais. 

Malgré le reflet aveuglant du morceau d'or de ton annulaire gauche. Vanité de jeune fille en fleurs. 

Tu joues peut-être. Plaisir de plaire, d'être charmé ; frisson d'excitation pour le regard que tu n'attrapes pas toujours. On se lance une balle indécise qui meuble le flirt et le rêve qui s'étirent. On s'apprécie, et on aime faire durer les regards, les histoires. Tu t'amuses, tu me jauges, tu t'enivres en faisant fi des risques sous-jacents à tout ça.

Et tu oublies que le jeu pourrait devenir dangereux. 

Pour moi, il l'est. Je m'amuse avec un feu trop sauvage pour ma prudence de gamine. Et toi, tu m'observes ; un peu curieux pour mes jongleries maladroites. Les chances que tu perdes pied, que tu échappes au contrôle sont moindres ; certes, je continue. Je provoque tes yeux, réclame les sourires qui te ramènent quinze ans en arrière. Je laisse tomber la raison dans les flaques de pluie qui criblent la rue déserte, et je reviens te parler, te saluer, te dire n'importe quoi, au fond ; car dans toutes ces paroles futiles et inepties secondaires, à travers cette cohorte d'inconnus qui s'aveuglent de conventions, seuls les regards parlent.

Les regards, et les coïncidences. Nos goûts, nos intérêts communs. Nos affinités, notre complicité. 

Et le fait que la vie semble déployer d'incommensurables efforts pour favoriser nos ébats impressionnistes.

Tout concourt à nous éloigner l'un de l'autre, et pourtant tu demeures, tu te graves en moi de manière quasi-permanente. Tu m'étonnes, me surprends, traces avec une lame brûlante tes initiales au creux de mon ventre. Tu t'immisces dans des sphères existentielles que j'avais clairement définies et séparées ; tu brouilles mes cartes et rejoins chacune de mes pensées. Tu te mires dans le miroir de ma vie à t'y inscrire en filigrane. Tu étales tes sourires jusqu'à la dernière lettre de mes lectures scolaires. Tu épouses mes mouvements de ta présence implicite, et je ne sais plus comment me défaire de cette parure vaine. 

Je m'abîme en ton regard brillant, et y lis toute l'estime que tu me portes, tout l'art et toute la musique que tu aimes. Je m'abîme en ton regard brillant, et y perçois la séquence cinématographique de tous ces moments passés ensemble. Je m'abîme en ton regard et me fracasse contre le brun qui sourit et m'empoisonne. 

Octobre. Bientôt novembre. Je ne sais pas où tout ça s'en va, où je me propulse avec cet élan maladif qui est le mien. Cet élan de jeune romantique impuissante qui se mord les mains et qui tait ses envies charnelles. 

Octobre, les yeux comblés et les mains vides. Deux mois et quelques jours pour saisir ce que j'attends de tout ça.

Et ça serait déjà plus facile si tu n'avais pas lu Proust au complet, et aimé ça ! 

La vie : + 3
Isabelle : 0

Et je vogue à la dérive sur un prélude tragique de Chopin.

mardi 21 septembre 2010

Je m'en mords les mains.

Je repense à hier, image figée près d'un cadre de porte. Statique parmi le mouvement perpétuel et foisonnant des alentours.

Je me rappelle du jaune, et de ton rire. Notre rire partagé, tes yeux qui brillent et les franges de mon écharpe qui volent autour de mon cou. Tes yeux et leurs morceaux de lumière pure comme le jaune de mon écharpe, et le monde qui s'arrête, qui disparaît autour de nous. Le monde entier, excepté le jaune et notre rire au regard qui ne dessoude pas, qui ne se termine pas.

Tu peux parler et t'inquiéter de tes allures, de tes désinvolutres ; tu peux regarder les autres, rire avec eux et m'ignorer quand tu racontes tes anecdotes. Apocopes de rires, de souvenirs, de vie tronquée, et ton clin-d'oeil subtil à mon passé par les toiles de Claude Tousignant qui tournent, multicolores, qui tournent et tourbillonnent et qui donnent mal au coeur, qui me lèvent le coeur. Coeur qui se dresse, qui crie puis qui se fracasse contre cette toile, cette toile pour et par laquelle tu as pensé à moi, pour et par laquelle tu as cherché l'éclat affilé de mes yeux brillants de connivence. Union de nos souvenirs communs. Capter la complicité ; souvenir partagé sans même se regarder.

On se connaît, et pourtant, on est comme étrangers l'un à l'autre. Cohorte d'inconnus ataviques, ataraxiques qui ne voient en nous que deux étrangers, deux connaissances lointaines qui s'ignorent ou ne partagent qu'une idée commune de l'art abstrait de Mondrian, qui s'ignoreront sinon pour ainsi dire toujours.

« Il y a eu une exposition de Tousignant au Musée d'Art Contemporain de Montréal il y a, quoi, deux ans...? »

Regard décoché rapidement, et moi qui hoche la tête légèrement. Un an et demi, en fait, mon cher ; mais je me tais.

Je ne sais pas si les autres ont vu. S'ils ont compris.

Je te hais, parfois, et j'aimerais que tu le saches. Réaction intuitive, impulsive de protection. Parce que j'suis vulnérable et faible devant tout ça. Prise au dépourvu, troublée. Clin d'oeil subtil à un moment partagé dont il se souvient très bien, et moi aussi. Toiles de Tousignant qui goûtent encore le thé vert et les vermicelles de riz.

Je te hais, mais au fond, ce n'est qu'un résidu de rage contre moi même qui se répercute sur toi. Parce que je sais que je me brise beaucoup plus que je me fais du bien, et je t'en veux. Je t'en veux d'être gentil et réceptif ; de permettre au courant de passer entre nous. Parce que, si tu étais froid et distant, je n'en serais pas là. Je n'en serais plus là.

Mais nos regards, bruns lumineux et jaunes de soie, démentent ma raison et mes excès réalistes sous ma couette, quand je fais de l'insomnie douloureuse. Le courant qui passe, courant d'air qui nous porte et projette hors du monde, me retient à toi, me draine à toi.

On rit, et nos yeux se fixent, s'ancrent les uns dans les autres ; le regard demeure tangible et s'éternise dans quelques secondes. Rire de yeux et corps tournés l'un vers l'autre. Atmosphère qui s'estompe autour de nous, et nos yeux qui demeurent notre seul point de mire.

Brun brillant et jaune de soie.

samedi 18 septembre 2010

Vermicelles de riz et thé vert

Je voudrais retourner dans ce petit restaurant chinois, perdu à Montréal tout près du Monument National où nous étions allés voir un opéra de Mozart. Voir les chaises dépareillées, les tables rectangulaires en stuc blanc, comme dans une cafétéria d'école ; manger le même repas dont j'ai oublié la saveur, repas qui était d'ailleurs succulent et que nous avions partagé comme nous partageons nos goûts, nos opinions, nos regards.

J'aimerais y retourner. Seule ou avec lui ; qu'importe ? Besoin de constater, de considérer cette étape cruciale dans le développement de notre relation, de nos impressions. Besoin de me réimprégner, de re-solidifier mes bases et celles de cette drôle d'histoire qui s'étire peut-être trop longtemps. Plus longtemps qu'elle n'aurait dû, certainement.

Et je me questionne sérieusement quant à l'avenir de tout ça : approfondir ce qu'on vivait avant mais stagner dans toute cette amitié inavouée aux désirs vagues, intermittents ; ou prendre le risque d'aller plus loin, là où c'est impossible, là où tout peut se casser, se briser pour un seul contact charnel.

Les 3 mois initiaux de nos rapports s'étirent, s'allongent, et j'aimerais peut-être savoir si les choses vont finir par changer ; sinon, pourquoi continuer ?

Parce qu'il me semble que la fébrilité de nos rencontres ne peut toujours rester ainsi entre lui et moi ; je pense que, un jour ou l'autre, elle devra s'affirmer. S'afficher, se déclarer et exploser. Bouches colmatées par erreur, et mains qui se cherchent sous des vêtements qui s'effeuillent.

Ou nous allons devoir nous quitter. Ne plus jamais se revoir. S'oublier.

Impasse de merde.

vendredi 17 septembre 2010

Doux-amer.

Savoir qu'on mérite mieux, et s'y relancer avec fougue chaque fois ; toujours, l'implacable solitude du retour à la maison. La crème aux mûres sur les mains, les chants d'opéra pleins la tête, ses yeux gorgés de petites veinules comme s'il était trop fatigué ou malade. Et moi qui marche sous la pluie dans des souliers mouillés en espérant peut-être, qu'un jour, il me ramènera.

Je voudrais tout arrêter. Oublier ses incursions dans mes conversations insipides. Ses regards velcros qui ont peine à se détacher des miens dans une discussion quelconque. Tout oublier, lui et sa petite classe de jeune homme qui a vieilli trop vite, lui et sa voix étrange, lui et sa culture à laquelle il m'arrive de m'abreuver quand on réussit à parler pour vrai.

Crever les bulles d'un doigt pointu, et courir pleurer dans les bras d'une mère d'occasion qui va à l'opéra la même journée que moi. Me retirer pour de bon de sa vie et le laisser scléroser dans le confort facile et les jeux d'enfants. Fuir, et qu'il m'oublie pour ne repenser à moi qu'épisodiquement, pour rien, au fond, parce que j'ai peut-être fait une différence en lui. Laissé une rose au creux de son être ; peut-être poussera-t-elle un jour ?

Mais je reviens. Écrase les cigarettes amères que je fume quand il disparaît, et courbe l'échine. L'oeil qui cherche le sien à défaut de sa main. Politesse gênée, guindée. Impuissance et envie de se caler sous terre, d'y creuser ma tombe en attendant qu'il me délivre du fardeau de l'assassinat de ma jeunesse.

Je me relance dans cette drôle d'histoire dont je n'avais conservé que les bonheurs, les joies de sourires en coin et de bulles perlées. Maintenant, ce sont les douleurs de la solitude et de l'impossibilité dont je me souviens, l'estomac tordu d'impuissance et moi qui fais les cent pas dans mon salon pour arrêter de penser à lui. « On oublie tant de jours de tristesse, mais jamais un matin de tendresse » chante Jean Gabin, et il a peut-être raison.

La jeune fille de secondaire 5 qui tremble parce qu'elle avait peur de ne plus voir son premier amour n'est peut-être pas si morte que ça, malgré que les choses et le contexte aient profondément changé, que l'homme ne soit plus le même et que la réciprocité s'ébauche parfois, en rires et en oeillades. 

J'ai envie d'envoyer tout balader, lui, les canons de Pachelbel et les envies de passer ma main dans ses cheveux, de m'agripper à son dos presque jusqu'à y enfoncer mes ongles, de me griser de la sensation de sa peau contre mes doigts. Envie de le mordre, de l'avaler, de l'expulser, pour ne plus jamais qu'il s'ancre dans mes pensées et mes tristesses. Taire la musique et les cris de nos corps inassouvis l'un de l'autre. Pendre les souvenirs dans une armoire et ne plus jamais s'y référer. 

L'automne de nostalgie, de mort, l'automne, saison romantique par excellence qui a toujours été ma préférée, est doux-amer, cette année. Se couvre de pluie, de froid et des regards de B qui ne me réchauffent jamais. 

Que peut une jolie écharpe de soie toute fragile contre une pluie diluvienne d'octobre, de novembre ? 

Je voudrais en parler, parfois, si ce n'était que du beau regard désapprobateur que la personne à qui je dirais tout me lancerait. Beau regard un peu hautain qui a effrayé mon amie quand j'ai croisé cette grande dame hier, contre toute attente, contre toute pensée. 

Belle et hautaine, un peu froide : je pense que cette femme a trop d'influence sur moi. Je l'aime tellement, plus que lui même, mais son bonheur visible à me voir et me parler arrive à peine à compenser l'impuissance solitaire de mon amour brisé qui revient à la maison sous une pluie froide alors que B dort déjà avec l'autre femme. 

Je voudrais mettre ma vie en arrêt. Geler l'image et reprendre mon souffle, jauger mes chances, les avantages possibles. Analyser les tableaux qui s'offrent à moi et en tirer le meilleur parti. Mettre ma vie sur stop, et reprendre mon souffle. Souffle dans la brume automnal, et exhaler mes sentiments impartis, impuissants dans l'air piquant et regaillardissant de l'automne.

Air doux-amer de l'automne aux amours vains. 

dimanche 12 septembre 2010

Tentative d'écriture automatique

Inspiré de Paul-Marie Lapointe.

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Je voudrais que nous mourions comme le jour, mais nous sommes des fragments d'embryons éternels. Stériles immortels dans un formol turquoise de ciel cassé. Embryons desséchés comme ceux de Satie, sourires de piano noir et blanc, las de trop se figer de trop s'éparpiller.

Je voudrais que nous mourions comme le jour et le vert déclinant de tes murs déglingués. Croquis d'enfants et cris apprivoisés dans l'écho de mon sommeil fuyant. Insomnie attente flegme désir. Nous sommes à peine des ombres terriennes et j'esquisse la conquête de la chair, la reddition de l'éphémère. Nous sommes un souffle hésitant de nuées lactescentes. Un rire guillotiné par la fenêtre d'où s'est enfui un rai blafard, fugitif comme les oiseaux blancs du mariage et de la chasteté. Le divan où je me perds, fleurs abstraites de grimoires craquelés, odeur de vieux piano moisi et d'écume de mûres sauvages.

Je voudrais que nous mourions comme le jour, et les pêches trop mûres qui se désagrègent contre ma langue rêche. Langue qui se sèvre, qui craque, langue asséchée vidée de son sens. Langues muselées, fusionnées. Langues rapidement souillées contre les mots d'apparat, les soliloques guindés d'ombre bleue. Et la bouche rouge d'être trop grugée, molle de trop s'éclipser.

Je voudrais que nous mourions comme le jour, parce que le soleil est noir et moi aussi. Je suis le noir diaphane qui se résorbe aux couleurs et aux forêts. Quartz rose baroque, indécence estivale de décembre. Chopin chimique sur mon giron, corpuscules de sourires sur mon crayon ma nuque. Je construis des idées avec du papier, des cailloux, des rubans de rivières roses et froides comme les joues pâles de cette mère d'occasion, celle que je rencontre la nuit et à qui je parle d'écriture, de littérature lis-tes-ratures.

Je voudrais que nous mourions comme le jour, et j'ai les os qui craquent, le corps disloqué le cou brisé. Les cheveux épars de larmes et de chair. Sang brut sur mes mains bleues, sang noirci du péché des fées et des larmes taries pour un regard musical perclus sous terre. Sommes-nous morts, mon amour, car je sais qu'on nous a enterrés vivants, cellule friable et immuable qui sème le désordre. Ta présence dans la terre sans bruit dans l'humus sacré des océans d'acier dans les bas-fonds spectraux des arias de Bach.

Mais toujours, j'aimerais que nous mourions comme le jour.

Fragments de pensée déglinguée

C'est ennuyant, parfois, cette certitude d'être née trop tard. Mauvaise décennie. Mauvaise génération. Mauvais siècle, même. Caractère vieillot et robes noires de trentenaire classique. Audrey Hepburn et Coco Chanel atterries en 2010 et s'éplorant des ravages modernes.

Je ne me sens pas à ma place dans un vingt-et-unième siècle ringard, atrocement technologique. Ces classes de jeunes qui ne se parlent plus, qui s'envoient des SMS pour dire qu'ils s'emmerdent dans leur cours de littérature. Ces pseudo-chicanes sur BlackBerry Messenger. Bip Bip Bip pour dire Tu m'énerves. On se connaît plus sur Facebook que dans la vie. On étale qui nous sommes sur Internet, et on se dit à peine bonjour si on se croise dans la rue.

J'aime m'imaginer être née 30 ans, 100 ans plus tôt. Inventer la vie que j'aurais, les détails insignifiants qui m'auraient excédée, les hommes qui m'auraient séduites et les femmes que j'aurais admirées. Les livres que j'aurais lus et la musique que j'aurais aimée.

Et je suis certaine que ça n'aurait pas tellement changé.

Parfois, je rencontre des gens et sais pertinemment qu'ils seraient mes amis si nous étions de la même génération, et non de simples connaissances polies, professionnelles, dialogiques.

Que les discussions littéraires pourraient se poursuivre en un "café existentialiste" comme les hipsters dont Cath me dit prendre part pour ce qui est de ma mentalité.

Parce que je ne porte pas de grosses lunettes. J'ai des verres de contact dont la force n'est plus la bonne, et qui me pousse à m'asseoir près du tableau pour y lire ce que mes profs écrivent.

Avantageux en Formation à la vie culturelle, par contre !

Les gens ont généralement une idée trop restreinte de l'amitié, de l'amour ; alors ils blâment ces liens vains et qui m'importent le plus sur la mauvaise relation, la mauvaise opinion que j'ai de mes parents.

C'est facile : c'est parce que tu n'as pas une bonne relation avec ta mère. Freud disait du bon, mais on en a tiré beaucoup de n'importe quoi.

 Je travaille trop, et je n'aime plus vraiment mon emploi. J'y fais mes travaux à moitié et tronque mon sommeil, ma vie sociale. Et je m'aperçois qu'il devient de plus en plus difficile de gérer nos amis quand on en expansionne le nombre avec les années qui passent.

Alors je vais devoir mieux classifier mes catégories amicales : les vrais, les amis qui le méritent, les amis d'école.

Question de mieux planifier mon horaire de "cafés existentialistes" !

Je médite sur l'apprivoisement du renard dans Le Petit Prince, parce que je découvre que les gens ne sont pas tous comme moi, que certaines personnes ne se donnent pas spontanément et qu'il faut instaurer un climat de confiance pour recevoir quelques bribes de leur affection, de leur estime, de leurs confessions. Et je suis patiente depuis deux ans, et je vois que cette patience d'ange commence à porter fruit.

"Merci d'être passée me voir !", répété et ironique - car je sais que c'est toujours moi qui propose, qui ose, qui revient à la charge en me pointant, un bon matin à chaque deux ou trois semaines, dans ce petit espace perclus qui sent bon l'encens et le parfum raffiné.

Et je pense que je suis de mieux en mieux capable de gérer ma vie, mes émotions, et que la confiance en moi, si longuement piétinée dans un coin poussiéreux de mon être, se remet tranquillement de ses blessures.

Et, pour une fois, ce n'est pas à cause de l'anastomose de deux regards contents de pouvoir se contempler à nouveau dans un local perdu d'un Casault moisi.

Mais, peut-être, de la maturité longtemps attendue et enfin trouvée !

dimanche 5 septembre 2010

Déprime post-proust

J'ai fini Proust. Le rideau tombe, les personnages s'estompent, se dérobent et deviennent inaccessibles à mes yeux, à mon imagination avides de m'incorporer à la Recherche. J'ai fini Proust, et j'ai soudainement le coeur gros, une drôle d'envie de pleurer.

J'ai fini Proust, et un deuil profond me vrille l'âme, me cloue sur place ; deuil précoce qui m'empêche d'ouvrir mes livres d'école, mes livres de chevet.

Parce que Proust et ses créations, ses créatures n'y seront plus.

Parce que, après 4 mois passés à lire Proust, à voir la vie avec un filtre proustien, à ne penser pour ainsi dire qu'à Proust, refermer le tome 7 me semble irréel. M'est cruel.

Gouffre temporel, a-rationnel où je dois me réapproprier moi-même, ramasser les miettes de moi que j'avais laissé tomber en parcourant les pages de Proust tandis que je subissais l'été interminable ; mon esprit déglingué qui vivait la Belle-Époque au rythme de la plume impressionniste, impressionnante de Proust redescend tranquillement sur Terre et s'érafle la figure en chutant contre la médiocrité moderne.

Parce que La Recherche a changé ma vie, et la conception que j'avais du monde, de l'acte d'écriture, de l'art, du Vrai. Je pense.

Ça fait drôle de passer à autre chose. D'avoir passé au travers la Recherche. De quitter Marcel, Albertine, les Guermantes, Gilberte, Charlus, Saint-Loup et, mes chouchous, les Verdurin. De replonger dans une modernité réelle et plutôt décevante.

Je travaille trop et je suis nostalgique de choses que je possède encore ; des gens qui ne m'ont pas encore quittée, que je viens à peine de revoir. Je crains leur fuite que je sais imminente, plus ou moins lointaine. Comme celle de Proust entre mes doigts qui tournaient les pages un peu froissées d'avoir été trimballées partout.

J'ai rangé Le Temps retrouvé à la suite des six premiers tomes dans ma bibliothèque, en me promettant d'y revenir un jour. Le plus bientôt possible.

Avoir si hâte de lire autre chose pendant la lecture, et, maintenant qu'elle est terminée, en être tout bonnement incapable.

Drôle d'esprit qu'est le mien, quand même...

Mais la discussion que j'aurai mercredi, probablement, guérira mon esprit disloqué par la fin de Proust.

mardi 31 août 2010

Le Temps retrouvé.

J'ai enfin réintégré la vie universitaire, celle des déboires sentimentaux et des rires à perpétuité ; réintégré le chemin qui mène à son sourire un peu timide dans la pénombre des rideaux de cotons d'une salle perdue au fond d'un pavillon. Opéra de Philip Glass et regards fuyants, ma nervosité qui se dépêtre sous la soie parfumée comme celle d'une fausse Misia Sert. Rayon fugitif automnal qui déclinera à mesure que nos échanges reprendront, que les éléments s'enchaîneront. Matière à discussion, mesure de distraction ; et toi qui souris dans le rai de soleil déclinant des lundis soirs sucrés de mûres sauvages.

Résister contre les attentes qui s'immiscent d'elles-mêmes dans le creux de ma tête, et se les voir combler trois fois plus que dans mes scénarios insomniaques. Craindre la froideur, l'indifférence, l'étrangeté, même, de ma présence renouvelée, et puis, dans une pièce désertée des intrus et des étudiants blasés, briller dans son regard qui n'a pas changé.

Il n'a pas beaucoup changé, en fait. Peut-être un peu maigri, ou mon souvenir était brouillé par la réfraction temporelle de la mémoire. Un peu nerveux, je crois ; toujours la même voix, pas très belle en fait. Et la crème aux mûres à l'odeur si puissante en évocations dont j'avais oublié la pregnance. Je sentais mes mains aux mûres, et c'était comme si je respirais son odeur, celle des moments passés à s'échanger ces regards brillants. Regards complices et sourires d'opérette retrouvés à la fin du cours, quand la classe s'était vidée et que nous avions toute la salle comme décor aux ébats spirituels de nos échanges. Flamme renouvelée et moments figés.

J'ai senti son bonheur de me revoir, sa réceptivité devant ma fébrilité en robe noire et en soie rose. Regards érotiques et impuissants dans les exhalaisons de crème aux mûres de mes mains. Bulle étanche et rires sous-entendus : attitude qui me confirme le "si tel est le cas, je serai content de t'y voir" de son courriel, dont j'en étais presque à douter de la véracité dans mes déprimes estivales aux odeurs gigognes des crèmes éparses qui ne crééront jamais la même dépendance que celle aux mûres.

Il était content, et je devenais celle que j'étais avant, jeune fille pure et romantique des fois où nous parlions dans la solitude des heures de bureau. Sourires caressants et la voix qui s'étire jusqu'à lui. Intérêt et attirance palpables, et nous ployons sous le regard de l'autre. Je me suis approprié de nouveau cette béatitude dans laquelle je suis sous ses yeux, ce bien-être heureux, cette facette de moi qui ressort à son contact et que j'aime.

On aime l'autre parce qu'on se sent bien avec lui, parce qu'on aime la personne que l'on est en sa compagnie. Comme si l'on retrouvait des parcelles de notre idéal en nous, parcelles qui naissent éclairés par l'autre, par l'essence de l'autre que l'on capte, dont on s'enivre.

Marie, de son poste d'obersvation aux premières loges, m'a dit lorsqu'on marchait après le cours : "Écoute, il n'avait d'yeux que pour toi." Et, comme une idiote de 15 ans, je ne peux m'empêcher de me répéter ces paroles, le refrain prenant d'une pièce festive en ré majeur, percussions et cuivres symbiotiques. Cacophonie du bonheur de retrouver la bulle confortable de cette drôle d'histoire, et de voir tout cela confirmé par l'oeil aguerri d'une de nos bonnes amies.

La session s'annonce donc lumineuse, farcie de promesses séductrices, d'événements culturels enrichissants et de bulles fruitées aux mûres sauvages !

Et je continue allégrement d'étirer l'amour comme un élastique trop usé.

Comme si ça servait à quelque chose, au fond. Sauf peut-être débusquer l'ennui routinier de mes jours pluvieux. Profaner mon quotidien en imposant une muse à mes poésie surchargées, décharnées, selon la note, l'envie, le jour.

Parce que, cette fois-ci, pour reprendre la fin d'un vieux texte de pacotille que j'avais écrit à l'époque de mes premiers émois collégiens, j'aimerais qu'on laisse les choses aller encore une fois, pour voir, simple curiosité, jusqu'où elles peuvent aller.

Ébauches fanées, secrets de carrière et flirts inavoués qui s'entremêlent aux arabesques musicaux des spectacles auxquelles nous assisterons, que nous discuterons.

La session s'annonce bien chargée en rebondissements, en émois et en effluves !

Bonne rentrée ! :)

samedi 21 août 2010

Broche à foin et brocantes.

Maintenant que j'ai la certitude que nous allons nous revoir et tenter de reprendre nos échanges comme avant, je meurs de trouille.

Un mélange de peur qui me vrille sur place et d'une joie inexprimable qui me prend au coeur. Je frissonne de peur, de joie, j'ai envie de pleurer, de me briser contre le sol, de m'effondrer à ses pieds.

Je repense à mon été, à toutes les visites sur le site de l'université à la recherche d'une trace de son nom, de poussières de lui laissées là par inadvertance. Je repense à mon attente, à ma patience forcée, formatée, à mes craintes effrénées, mes idéaux désabusés.

Et maintenant qu'il est là, je me glace. Figée et paralysée par une peur de l'inconnu ou, plutôt, du trop connu. Peur de glisser sur les houles incertaines de mes amours déchus.

J'ai changé ; lui aussi, peut-être. Il m'a sûrement oubliée ou, au maximum, son esprit n'a brossé qu'une ou deux fois mon souvenir flou, à peine grisant pour sa vie de jeune père comblé. Peut-être un vague sourire à peine esquissé pour le romantisme qu'il me savait, et que je possède beaucoup moins depuis son départ. Les derniers événements m'ont poussée dans une dépossession de la jeunesse candide que je brandissais encore en sa compagnie, et peut-être mon esthétique renouvelé, mes idées affirmées le rebuteront, feront office de muraille entre nos ébats spirituels.

Et pourtant, tellement de choses que j'aimerais lui dire, par lesquelles j'ai pensé à lui et que j'aimerais lui partager. Mais je pense qu'il est mieux que je les taise, repartir à zéro et agir naturellement, comme je le faisais quand son collègue n'était pas là et que nous riions sur la consommation de vin en Europe dans l'atmosphère un peu sombre de nos conversations. Toutes ces choses éparses, pêle-mêle, décousues et déglinguées. Comme cette entrée de blog, en fait.

J'étoufferai mon amour une dernière fois avant la séparation ultime. J'étoufferai dans cet amour impossible, dans mes silences irrévocables. Noble et désespérée dans une robe noire du deuil qui me suit à perpétuité. Deuil de mon enfance, deuil de mes amours. Deuil précoce de B. qui me revient pour mieux me fuir.

Sérieusement, j'ai peur jusqu'à en avoir physiquement froid sous un rayon de soleil qui, tantôt, me donnait chaud. Je crains que les choses aient irrémédiablement changé, que la complicité se soit éteinte, qu'il ne reste plus assez de force en nous pour ranimer les lueurs dans nos yeux exaltés.

Que, à force d'étirer l'amour comme un élastique trop usé, il m'éclate à la figure.

Fragment littéraire prise II

J'ai la peau brûlante et cuivrée, de grands yeux de femme-enfant qui brillent dans une salle de classe un peu terne. Je suis celle un peu à droite qui s'embellit de noir et de musique, qui te lance des perches de sourire parfaitement orthodontique, qui te nargue de son visage sans âge, un peu fardé. Je suis celle dont l'allure pose problème, celle qui détonne par son sérieux dans cette marée grouillante de couleurs et de rires, qui exhale des odeurs de mûres sauvages et de caféine insomniaque ; celle qui te parle d'amour en te parlant d'art, qui te caresse en repassant stupidement ta porte ; celle dont la décontraction feinte détonne dans le halo de notre attirance mal appropriée, de nos frissons à demi-cachés.

Je suis celle que tu regardes à la dérobée, l'air de n'y pas toucher. Celle dont tu aimes chaque visite, que tu retiens d'une question quand je me lève pour partir. Celle qui te cherche, celle pour qui tu te découvres sans le vouloir. Je suis la jeune fille des regards et des rêves romantiques qu'on est venu chercher pour secouer ton quotidien comme un pommier qui ne fait tomber aucune pomme. Mon visage est la rive qui a gardé la trace de tes pas hésitants que les vagues n'ont pas lavés ; mon visage t'est offert comme à la pluie bienfaisante un soir de juin trop aride.

Je suis l'ombre diluée de tes idéaux, le reflet fugitif de celle que tu aurais pu aimer. Je suis le sourire ébranlant avec lequel tu te dépêtres en public, le regard qui s'attarde et qui se dévoile silencieusement. Je suis cette larme que tu as peut-être versée, le regret éphémère d'une vie rangée, une pensée qu'on laisse voguer un matin où il fait trop froid pour la retenir.

Et humblement, je reviens un peu troublée. Un peu embarrassée, et pleine d'espoirs.

Je t'offre ma robe noire, celle que tu avais reluquée ou une autre, qu'importe, et les impressions accumulées depuis décembre. Je t'offre mon visage aux traits vieillots, mes cheveux d'or et d'ébène qui hument l'impuissance de mes heures ; mon écharpe de soie un peu froissée pour meubler tes nuits blanches. Je t'offre mon romantisme suranné par lequel tu m'as prise, ma timidité chevrotante qui accompagne tes pas dans un corridor exigu. Je t'offre mes doigts un peu gourds et mes yeux traînards d'amoureuse atavique ; tu écoutes mes os qui craquent en attendant l'extase, et tes mains tombent sur le piano comme pour retenir ta raison.

Tu es celui pour qui je bafoue les règles, et je pulvérise les diktats de mes regards dangereux. Je deviens autre et t'attends au détour d'une rêverie onirique. Profanatrice du langage et de la vertu. Tu es celui pour qui je ne crois plus au bon-sens, à la fidélité, celui des regards entendus et des sourires croqués dans une union craquelée.

Tu es celui que l'été me cache et qui, peut-être, ne me dévoilera plus. Tu es l'ombre voulue de mes insomnies, l'erreur charnelle de ma solitude, mes doigts qui te cherchent sans t'atteindre. Tu te glisses contre ma peau bariolée et ton absence logique empire mon agonie.

Le parfum demeure et tes yeux fugaces ne sont qu'un rêve. Et je crève à petits feux dans des draps épars en cherchant des morceaux périmés de ta voix fluette de gamin qui aurait mal mué. Draps pétris de ton absence. Corps fripé de trop t'attendre.

L'espoir fait vivre, mais comme sur une corde raide.

vendredi 20 août 2010

Enfer et damnations !

Je pense que l'Université Laval m'en veut et me tiendra dans l'insatiable attente jusqu'au 30 août 18h30.

Le nom d'un premier chargé de cours a été affiché, et l'autre demeure derrière un ACU ingrat, inactif. Il me nargue avec ses trois lettres grasses et rondes, devenues piquantes à cause du A. Je m'en fiche de savoir qui est mon prof de création. Contente de savoir que j'ai pas la fille un peu folle, mais vraiment, pourquoi ?

Desfois, j'me dis que la vie est contre moi. Je pleure un soir en buvant trop de vin, je m'indigne l'autre contre une succession d'événements qui font que je hais tout ce qui m'entoure : famille, temps, job, été, courriels qui ne viennent pas.

J'aime vainement, dans le vide ; j'aime les images que j'ébauche grossièrement quand je ferme les yeux et qui me percutent par le beauté sur le dos de mes paupières fatiguées. J'aime en sachant combien c'est illusoire, à quel point c'est à sens unique et je me grise de petits détails, des bribes de sens que je déculpe dans mes écrits, dans mes souvenirs.

On peut en dire long sur un regard. Mais ce long n'est pas infini, et je devrais peut-être en revenir, parfois.

Au moins, cette anastomose de regards devant le Casault ou dans un bureau beige et sans fenêtre me fait comprendre bien des choses.

J'ai des moeurs de femme d'une autre époque, d'une autre génération, et j'agis comme si j'avais atteint la trentaine. Alors je m'assume, et irai boire du Pinot noir contre le comptoir un peu sale d'un bar en laissant ma classe intemporelle de perles et de robes noires agir sur ceux qui sont en âge d'être jeunes papas.

Ou qui le sont déjà.

Et c'est toujours ACU qui est écrit sur ma grille horaire !

Enfer et damnations !!

jeudi 19 août 2010

Embrasser sa souffrance, ou peu importe c'que disait Camus.

Mer éthylique de vin rouge pour noyer cette douleur latente, lancinante, constante qui s'est échouée en moi pour ne plus me déserter. La seule chose qui ne déserte pas chez moi est bien la douleur. Alors le vin noie le reste. Le vin solitaire, ce soir. Pour une première fois. "Ce soir, j'suis en brosse !" disait-elle, même toute seule. Et seulement me rappeler sa voix me pousse à tendre la main vers la bouteille et emplir à nouveau ma coupe à demi-vide. 

L'amour stellaire. Aimer plus que tout, parce que c'est plus que de l'amour. Aimer jusqu'à l'impuissance. Se sentir impuissante devant la grandeur vaine de tout cet amour dilapidé dans le beurre, pour une image, pour entendre à nouveau son rire. Ivoirine, pure, une beauté toute-puissante qui vous prend le coeur et vous le pulvérise sans y toucher, sans en avoir conscience, sans même s'en approcher. Figure solaire d'une vie qui garde la sienne dans l'ombre. 

Mettre des mots sur les sentiments n'est pas facile, encore moins quand il s'agit d'un capharnaüm d'amours déglingués, complémentaires. C'est un amour stellaire car c'est aimer une personne de tous les types d'amour possibles et osciller entre eux. Vagues capricieuses du sentiment qui ne sait où donner de la tête dans toutes ces manifestations viscérales. 

C'est aimer quelqu'un pour tous ses fragments. La manière dont cette personne peut se gratter le dessus de la tête en décoiffant légèrement ses cheveux attachés. Les dents entassées, comme inégales quand elle se met à rire pour une imbécilité insignifiante que je peux lui dire, avec ses yeux qui brillent et son timbre drôlement grave. Son maintien discret, un peu froid, et le sentiment de complétude quand je sens son plaisir à me revoir dans la lumière crue et comme douloureuse de sa fenêtre. La manière dont elle échappe des "ma belle" comme malgré elle quand je la quitte, et que je garde précieusement une fois la porte du bureau refermée. "Ma belle" affectueux qui me garde au chaud quand je marche jusqu'à l'université. Sourire un peu niais sur mon visage satisfait. 

L'amour stellaire, c'est beau, c'est grand, mais ça en devient douloureux quand le mois d'août s'éternise et que je ne viens pas à bout de l'été sans éclat, sans bonne nouvelle pour me faire oublier son sourire absent, ses mots qui désertent. Et j'attends, en buvant du vin qui n'est pas si bon, en rêvant au vent doux de septembre où la vie reprendra. 

Et dans un tout autre ordre d'idée, y en a marre des garçons ; je retourne aux hommes, ils ont plus de chance de trouver mon côté vieux-jeu et mes moeurs démodées à leur goût ! 

C'est peut-être le vin, mais je me relancerai avec B., juste pour voir où cette fois-ci pourra nous mener. 

lundi 16 août 2010

À fleur de peau.

Le ciel s'est couvert de gros nuages gris qui bloquent la lumière, qui la rendent un peu morne. J'ai envie de tendre le doigt, de la toucher, d'en conserver des parcelles comme si elle était objet tangible. Égayer la tristesse par un fragment de lumière argentée des mois d'août pluvieux. J'ai le vin triste et l'angoisse légère. Parfois, pourtant, elle s'alourdit et devient bloc de marbre dans le creux de mon ventre. L'angoisse me prend au coeur, elle vrille mon estomac et compresse mes viscères. C'est douloureux, alors je bois du vin avec les copines et finit par aller pleurer dans une chambre. Je ressens la vanité de ma vie comme un frisson glacial qui me parcourt de la tête aux pieds. Un amour fulgurant et stellaire s'est niché en moi et s'éveille dans les larmes quand j'ai trop bu ; je l'aime jusqu'au bout des doigts, plus fort que tout ce que je ne connaîtrai jamais, et toujours, je suis prise dans ces bouffées d'affection qui s'envolent sans pouvoir arriver à la cible choisie. Sans vouloir y arriver.

Je garde cet amour comme une pierre précieuse entre mes mains. Je la soupèse, la polie, la contemple, pleure d'admiration devant elle. Esthète amoureux de l'oeuvre d'art qui le poursuit la nuit, qui déserte ses murs en attente d'avoir les moyens de se la procurer. Et mes lèvres demeurent scellées.

Lèvres également sevrées de chaleur humaine, de langue tiède qui ne les entrouve pas, occupée qu'elle se trouve à chantonner comtines et pommes d'api.

Et je constate que les stationnements scolaires se remplissent et j'ai envie de pleurer parce que mon enfer estival tire à sa fin...

..pour ne mieux que renaître en mai prochain.

Et je ne sais toujours pas si j'étirerai l'amour comme un vieil élastique trop usé cet automne, car Capsule me nargue de ses ACU que je maudis. Ni ce qu'on a pensé de mon analyse sur Rina Lasnier, et je crains encore que mes échanges avec elle s'éteignent par son caprice, par son ennui, par ma maladresse.

Je pense que l'angoisse est estivale et que la solitude m'est imposée.

Et je pleure encore parce que tous ces sentiments pulvérisés par le vide m'ont rendue à fleur de peau.

dimanche 8 août 2010

Pratique poétique.

J’ai oublié le goût mentholé de tes lèvres gourmées.
Ta saveur toute particulière de mûres et de terre ;
De Ballets russes, de thé, de nymphéas impressionnistes,
Et des baisers dilapidés par une belle mariée de faïence.

J’ai oublié mon écharpe de soie contre le sol de nos matins,
Échouée entre tes murs beiges, humides et sans fenêtre.
Soie rose pétrie de nous que tu as peut-être froissée
Pour taire la présence adultère de nos ébats friables.

Mon cou citronné est un affront à tes joues rêches,
Et je brise la lumière, toutes les symphonies en ut majeur.
Mélopée pluvieuse qui s’emmêle dans tes doigts pianistiques ;
L'écho de ton rire flatté dans la poussière de ma tête.

J’ai troqué Chopin pour une valse de Ravel,
La pêche rosée de l’enfance pour du noir perlé.
Je ploie sous l'éventail et chasse le romantisme :
Et le filtre des cigarettes a remplacé ta langue sucrée.

J’ai usurpé l’odeur musquée d’une égérie littéraire.
Me reconnaîtras-tu, sans les mûres, sans bonheur et sans éclat ?
J’ai vendu des lambeaux d'âme pour un semblant de mère
Et, dans ma nudité et ma solitude, il fait noir ; j'ai un peu froid.

J’ai oublié le goût fugitif de tes lèvres flûtées ;
Ton sourire de polichinelle contre mes mains gantées.
J’exhale tes promesses dans la brume automnale
Et elles valsent, gigognes, dans les draps de l’autre femme.

jeudi 5 août 2010

Vivre par procuration.

J'ai ton nom sur le coeur, tatoué en minuscules. Petits caractères gravés contre ma chair, qui se réduit parfois à une seule lettre. Paraphe de l'amour éternel et inconditionnel ; morceau de toi en moi qui ne décolle pas.

J'ai usurpé ton odeur, comme si c'était la certitude de ne plus jamais te perdre. Effluves épicés de patchouli et de citron qui me gardent tiède quand l'été humide s'abat sur une ville oppressante, désertée de toi.

J'ai ta voix qui me parle encore, soliloque culturel dans une tête gigogne, rire de marguerites et éclats enfantins dans les yeux. Je relis de vieilles missives et t'imagine me les raconter ; je retrouve alors des lambeaux, des fils que je n'ai pas tirés pour poursuivre la discussion plus loin qu'un échange de mots virtuels en deux ou trois courriels.

J'ai la tête qui me fait mal et des envies de porto blanc, de vin rouge et fin bu au goulot. J'ai l'insomnie qui se profile et la plume défaillante, indigne des souveraines et des muses fuyantes. Je fantasme sur une écriture vraie et poétique ; percutante. Je voudrais profaner le langage, mais me voici prisonnière des balises édictées de l'imagination qui crie le récit et le veut structuré. "L'écriture est un acte irréductible" : par où dois-je passer pour atteindre ce ground-0 inconscient de l'écrit ?

J'ai la tête qui tourne, un coeur en excès qui ne sait pas aimer sans limite de temps ; une rage intacte contre cet ACU qui masque, peut-être, ce nom proscrit devant les autres. J'ai une peur de l'échec inavouable, une admiration débordante qui risque toujours de virer malsaine, selon mon humeur, la température. Virer comme ma crème à mains qui est expirée et qui se sédimente en grumeaux. C'est dégueulasse, mais je n'ose pas la retourner au magasin ; alors j'achète chez Crabree & Evelyn, comme si c'était le chat qui déchire les foulards jaunes dans le roman caché au fond de mon tiroir.

J'ai une écharpe de soie rose qui ressemble à une toile de Klimt, et qui sent les bureaux ivoirins du département de français. Premier contact de mon cou aux figues et au basilic avec la soie, la vraie, celle qui coûte les yeux de la tête et qui fait un trou dans mon porte-monnaie, qui dérobe la chaleur du grain de la peau et les années 2000 de mon maintien.

J'ai un début de roman de 83 pages que je brûlerais en échange d'une autre plume, et une hâte incommensurable de recommencer l'université ; un cours sur Proust précipité et une initiation à organiser qui n'aboutit pas ; un amour atrophié pour un nom qui n'apparaît jamais et que je cherche à tâtons, les yeux embués, un amour stellaire pour une image perdue en Europe ou je ne sais trop où.

Mais j'ai ton nom tatoué sur le coeur, en minuscules au bas d'une note rapide, et c'est probablement le fil d'Ariane qui me mènera au bout de l'interminable été dans lequel je m'enlise tristement.

jeudi 29 juillet 2010

Le vin, vieil amant qui ne déserte jamais.

Dur réveil. Dur lendemain d'une soirée de coupes de vin rouge, de cigarettes et de vieux souvenirs ressassés du passé entre deux ou trois propos plus frivoles. Quelques heures de sommeil à peine pour faire face à mon irresponsabilité et me rendre au travail tant bien que mal. Et le café ne fait pas encore effet : combien en faudra-t-il pour compléter revivifier mes neurones sclérosées dans un sommeil de lendemain de veille ?

J'ai bu du vin, et j'ai trop parlé. J'ai tout raconté à une amie sur B., sur un banc d'autobus indiscret, où le brouillard d'ivresse qui m'entourait dissipait la foule et faisait tomber mes inhibitions. Il y en a pour qui l'ivresse hausse la libido et provoque cette envie de coucher avec un peu n'importe qui ; pour ma part, c'est surtout mes secrets que je dilapide, et non mes baisers, mon amour. Peut-être est-ce seulement car je n'en ai pas la chance, et l'alcool englouti impose la dilapidation de quelque chose de précieux. Je ne sais pas. Peut-être est-ce une manière d'évacuer tout ce côté guindé qui est le mien et qui m'enferme, qui me coince ?

Le fait est que je suis un peu tannée de crier ma vie à tous les toits sous prétexte que j'ai un verre de trop dans le nez.

Et que j'ai vraiment envie de revoir B. en ce moment, même si je suis terrorisée à l'idée que les choses puissent avoir changé entre nous. J'aimerais reprendre nos échanges là où nous les avons laissés, mais j'ai peur de me frapper au mur du changement, de m'y briser ; de revivre la froideur de R. dans les traits plus jeunes et plus "amoureux". D'avoir attendu 1 an pour finir par, au fond, envenimer le souvenir d'une belle histoire qu'il m'importe tellement de recommencer.

Et en attendant d'avoir une réponse à mes inquiétudes, à certains courriels qui ne lui sont pas dédiés, je continue d'étirer l'amour comme un vieil élastique trop usé.

mardi 27 juillet 2010

La cigarette.

Le coeur encore serré par une angoisse inexpliquée, inexprimée ; la vision intermittente d'un rêve étrange où je le retrouvais comme autrefois, dans un local éclairé par des vieux néons et des fenêtres enneigées. On parlait comme avant, on se souriait et ce jeu de regards reprenait comme s'il n'avait jamais cessé, comme si le fil qui liait nos yeux ne s'était jamais cassé.

Une amie me disait: « C’est donc bien déplaisant rêver à quelque chose de trop beau. Ça fait mal. Je préfère les cauchemars aux rêves, au moins, tu te dis que c’était pas vrai, une couple de mauvais sentiments pas vraiment ressentis. » 

J'ai repensé à ça ce matin, et c'est absolument vrai. 

Alors je bois du café et essaie de lire Proust quand tout ce à quoi je pense, c'est lui, c'est la possibilité de reprendre nos échanges comme avant. 

J'essaie d'écrire, j'essaie de voir des gens : et rien n'est fructueux. 

Alors j'écoute cette chanson. Et je la chante, et j'ai hâte d'avoir des nouvelles. 

dimanche 18 juillet 2010

Fragment littéraire

J'ai construit un château avec des mots et des images où j'ai enfermé son visage de lumière. Fortesse résistante aux violents assauts du monde, à l'implacable raz-de-marrée de la réalité qui engloutit le reste. J'ai construit ce refuge pour elle, par refus de la laideur, par répulsion du quotidien, pour échapper à l'étouffement et à l'abandon. Et nous y allons ; nous nous y enfouissons pour discuter, pour partager des impressions vagues, de confidences masquées, des secrets abusés. Nous bâtissons des paroles, des rêves de toiles de Monet et d'esquisses de Cocteau. Château à part du monde pour y faire fleurir cet amour quasi-familial et autarcique entre des murs de lumière et de beauté.

Jardin indiscipliné de cerisiers en fleur, d'arbres Ming en quartz rose, de bonzaïs sauvages où nous prenons le thé l'après-midi et du vin rouge le soir. Souffles de paroles et de rires ininterrompus par l'heure, par les autres ; elle reste avec moi, toujours à mes côtés, et son sourire soutient mes nuits d'insomnie, mes phobies de médiocrité. Elle m'apprend la vie dans ce jardin, la valse : elle m'enseigne les bons pas, ceux qui me porteront et me fortifieront à l'extérieur, dans ce monde défiant où son départ me plongera.

Mais elle ne partira pas, du moins pas encore ; et elle me sourit lorsque je lui expose mes craintes, mes larmes. Sourire qui attrape la lumière, qui joue avec elle comme un prisme de verre ; toute la beauté du monde nait sur son visage, git en sa personne, et c'est des yeux d'enfant émerveillé que je lève chaque jour sur ses traits. Contact de soie de sa main contre ma joue, baiser chaste sur mon front déférent.

Mon château, j'y cache mes peines de coeur et elle panse mes blessures avec ses douces paroles. Je lui parle de mes histoires en les peignant comme Turner, et elle m'offre les siennes en échange en oubliant les ans. Elle s'affaire parfois sans moi, et je peux ainsi la contempler des heures durant, aspirer sa beauté d'un regard attentif, recueillir son sourire tandis qu'elle parle au téléphone, lit un roman ou fait cuire un gâteau.

Et puis le soir, avant de m'endormir, je souhaite ardemment que ce château ne soit pas le fruit onirique d'une imagination sans borne, sans issue.